Jungers, Jean-Jacques
[UCL]
CONCEPTS DÉVELOPPÉS : Architecture comme figure, ergon et parergon — analyse du Seagram building de Mies, de la scène des Hopis et du temple de Dydimes — Architecture et tore de la demande (psychanalyse) — analogie avec le jardin des délices de Jérôme Bosch
RÉSUMÉ : Le texte qui suit pose comme représentation des dimensions matérielle, symbolique et mythologique constitutives du milieu humain le dispositif monde (idéel, universel) / scène (matériel, visible) / obscène (matériel, caché).
À partir du nouage borroméen des trois termes constitutifs de ce dispositif, elle cherche ensuite à mieux comprendre le processus de civilisation à l’oeuvre dans nos sociétés. Ce processus se caractérise, selon nous, par la mise obscène croissante d’une part importante de notre milieu. Elle est caractéristique de l’animal social qu’est l’homme. Lorsqu’il se tient sur scène, celui-ci se dissimule toujours une part de sa condition, ne supportant pas d’y être confronté parce qu’elle le place devant le vide ontologique qui le constitue. Le mouvement moderne radicalisa ce processus en élevant la mise obscène au statut de principe. Ce principe constitue, selon nous, un déni : celui de la complexité de l’homme, celui de la fragilité de son milieu et celui de la spécificité de sa condition. Il fut cependant le moyen dont usa l’homme moderne pour absentiser le vide ontologique dont il était pourtant constitué. Par suite apparaît un homme nouveau, un homme sans condition qui, entouré par le décor rassurant de la scène, a perdu toute conscience, à la fois, de sa fragilité constitutive (son corps et son milieu) et du caractère destructeur de son propre mode de vie. Si l’on se réfère aux projections scientifiques, il se dirige aujourd’hui aveuglément vers un drame écologique imminent qui pourrait se conclure par l’inhabitabilité pure et simple de sa planète.
S’ouvre alors une double urgence : celle d’identifier et de comprendre les dispositifs à l’oeuvre dans le processus de mise obscène et celle de s’interroger sur la manière de les modifier, étant entendu qu’une conscientisation de l’homme impacterait ses comportements et, par là même, permettrait d’infléchir les projections catastrophiques des scientifiques.
Selon notre interprétation de la définition lacanienne de l’architecture primitive (point 3.3), celle-ci peut être considérée comme l’un de ces dispositifs en ce qu’elle permet à l’homme d’isoler l’obscène de la scène.
Partant, nous posons comme hypothèse, pour ouvrir ce qui suit, que la vraisemblance de la mimesis est liée à la puissance mimétique de l’architecture. Si tel est le cas, mimesis et mimétique seraient alors les deux faces d’une même médaille. La mimesis est idéelle. Elle concerne traditionnellement les arts d’imitation dans le souci qui les caractérise de représenter la nature. La mimétique est, quant à elle, matérielle. Elle permet à certains animaux de survivre dans cette même nature en usant, selon Roger Caillois, de trois subterfuges : l’intimidation, le travestissement et le camouflage.
Afin d’établir ce lien, nous chercherons, dans un premier temps, à mieux asseoir les concepts d’espace et de milieu qui nous permettront, dans un second temps, de dessiner les contours de cet animal particulier qu’est l’homme, à la fois, parlant, symbolique et social (chapitre 1). Nous préciserons ensuite plus avant ce que nous entendons par le dispositif monde | scène | obscène (chapitre 2) ainsi que l’articulation de chacun de ces termes les uns avec les autres (chapitre 3). Chemin faisant nous aborderons les questions de mimesis et de mimétique qui nous permettront de pointer trois artifices dont use l’architecture pour séparer l’obscène de la scène : l’ouvrage, la figure, le parergon (chapitre 4). La conclusion sera enfin le moment de lever le voile sur le vide autour duquel s’organise l’architecture…
Bibliographic reference |
Jungers, Jean-Jacques. L'homme sans mur : architecture, divertissement et gravité. In: Les pages du laa, no. 29, p. 1-58 (2016) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/176681 |