Hoc, Arnaud
[UCL]
« Tout jugement peut être frappé d’appel, sauf si la loi en dispose autrement » (art. 616, C. jud.). Bien que le droit à un double degré de juridiction ne constitue ni une garantie du procès équitable, ni une garantie constitutionnelle, ni même un principe général de droit, le droit belge offre à tout justiciable qui s’estime préjudicié par la décision rendue par un premier juge le droit de faire examiner une seconde fois sa cause par un juge supérieur. C’est n’est qu’à titre exceptionnel que la loi interdit en certains cas l’appel : lorsque le jugement porte sur une demande dont le montant n’excède pas un certain seuil, lorsqu’il ordonne certaines mesures d’instruction, lorsqu’il est rendu en certaines matières qui exigent un règlement rapide du contentieux (faillites, saisies, etc.). De longue date cependant, la jurisprudence admet qu’il soit dérogé à la rigueur de ces exceptions lorsque le jugement non susceptible d’appel est entaché d’une grave irrégularité. C’est ainsi que le juge d’appel est autorisé, en dépit d’une interdiction légale claire, à suspendre l’exécution provisoire accordée par le premier juge lorsque celle-ci a été accordée de manière illégale : soit qu’elle n’ait pas été demandée, soit qu’elle fût interdite par la loi, soit encore qu’elle ait été octroyée en violation des droits de la défense (Cass., 1er avril 2004 et Cass., 1er juin 2006). Récemment encore, la Cour d’appel de Liège a déclaré recevable l’appel interjeté par un curateur de faillite, remplacé au terme d’une instance qui avait violé ses droits de la défense, alors même que la loi dispose expressément que pareille décision n’est pas susceptible d’appel (Liège, 28 novembre 2013, J.T., 2014, p. 27). Si de telles dérogations prétoriennes à la lettre de la loi reçoivent majoritairement l’approbation de la doctrine, elles n’en posent pas moins la question de leur fondement. En effet, les règles commandant l’accès aux voies de recours sont des règles d’organisation judiciaire, et partant des règles d’ordre public qu’on ne saurait tenir en échec qu’avec le renfort de principes supérieurs. Longtemps, l’appel ainsi restauré a pu se prévaloir de considérations tirées du droit naturel : « il est de droit naturel », écrivait Henri MOTULSKY, « de ne point être laissé à l’arbitraire d’un organisme juridictionnel (…) et de pouvoir obtenir la répression de l’atteinte portée aux droits de la défense eux-mêmes (« Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense », in Ecrits. Etudes et notes de procédure civile, 2e éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 82, n° 30). Si ce fondement a pu porter, il semble aujourd’hui trop faible pour supporter à lui seul le poids de pareille construction prétorienne: sans faire totalement table rase du passé, les droits fondamentaux, et singulièrement le droit au procès équitable, viennent aujourd’hui en raffermir les bases tout autant qu’ils contribuent à donner à la théorie de l’appel restauré une extension nouvelle.


Bibliographic reference |
Hoc, Arnaud. L'appel restauré et ses fondements: droit naturel ou droits fondamentaux ?. In: Arnaud Hoc, Stéphanie Wattier & Geoffrey Willems (eds.), Human Rights as a Basis for Reevaluating and Reconstructing the Law, Bruylant : Bruxelles 2016, p. 245-263 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/173895 |