Lavenne, François-Xavier
[UCL]
Après la guerre, Céline se voit obligé de redéfinir sa posture auctoriale. Il s’attache alors à prendre ses distances par rapport à la parole pamphlétaire sans pour autant la renier, à reconquérir une place dans le monde littéraire sans jamais rentrer dans le rang. Il se définit comme styliste et comme chroniqueur-mémorialiste, postures qui sont soustendues par un imaginaire aristocratique. Elles se rejoignent dans le concept de transposition biographique qui implique une stylisation de l’existence. La posture du chroniqueur suppose une vie intimement liée à des événements historiques. Le passé que raconte Céline dans ses derniers romans est pourtant un acte d’accusation, qui va du Paris de l’épuration à la prison danoise en passant par Siegmaringen et les bombardements de Berlin, Hanovre et Hambourg. L’écrivain veut utiliser cette matière biographique au service de son oeuvre. Chez Céline, l’écriture n’est en effet jamais seconde. Sa chronique ne prétend pas s’inscrire dans une mémoire collective, mais démonter la vision que la collectivité a du passé récent. Elle est en outre parodique. Céline se veut le « chroniqueur des grands guignols ». Il revisite la figure de l’écrivain maudit pour se représenter en « dandy de la catastrophe ». Il justifie ainsi l’écriture des pamphlets et la fuite à travers l’Allemagne, qui en a été la conséquence, par son désir de se mettre dans une position intéressante sur le plan littéraire, celle de l’être honni de tous. Il s’est offert le « luxe » de vivre un pan d’Histoire qui lui fournit une matière exceptionnelle pour exercer ses talents de styliste. Si tous les hommes sont victimes du Temps, le clochard raffiné, qui a fait de sa vie son oeuvre d’art, tient les clefs de l’Histoire ; il en est le maître désinvolte.
Bibliographic reference |
Lavenne, François-Xavier. Céline, le dandy de la catastrophe. In: Les Lettres Romanes, Vol. 68, no.3-4, p. 555-587 (2014) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/173238 |