Maufort, Danielle
[UCL]
En particulier par les nombreuses découvertes documentaires, cette étude éclaire sous un jour nouveau le peintre anversois Peter Thijs (1624-1677). Elle a permis de revoir et d'infirmer pas mal d'hypothèses ou d'affirmations erronées rencontrées dans l'historiographie. De plus, elle comble de nombreuses lacunes qui marquaient la connaissance de sa vie et de la production de l'artiste. En premier lieu, elle conforte l'hypothèse de Dumont (1785), auteur du manuscrit sur Antoine van Dyck et ses élèves, selon laquelle Thijs est l'un des derniers élèves d'Antoine van Dyck. Le fait qu'il existe entre Joost Thijs, oncle de Peter, et Antoine van Dyck un lien de formation, justifie ce point de vue. Elle rejette l'opinion générale que le peintre ait été un simple épigone du grand maître. Héritier du style de Van Dyck, il est un artiste de la première génération. Cette étude donne une première idée sur l'apprentissage de Thijs, car il n'y a pas un, mais bien trois maîtres qui l'ont instruit dans la peinture. Chez Artus Deurwerdeers il reçoit la formation de peintre de panneaux de cabinets d'art, tel pratiquée dans l'atelier de Frans Francken le Jeune, beau-père de Deurwerdeers. L'art du portrait y est à peine abordé. Dans l'atelier de Van Dyck, Thijs apprend le portrait, la peinture d'histoire ainsi que la copie d'oeuvres de grands maîtres. Tout porte à croire qu'il termine sa formation chez Gonzales Coques où il travaille ensuite comme maître pendant plus de trois ans. Par la présence de la collection du duc de Buckingham à Anvers, il s'instruit à la peinture du Cinquecento, et profite ainsi d'un voyage d'étude virtuel en Italie. Cette thèse démontre aussi que Peter Thijs, fils de boulanger, accomplit une brillante carrière et cela malgré une mauvaise conjoncture économique spécialement au moment où le métier de peintre connaît un déclin caractérisé par 60% en moins d'inscriptions de francs-maîtres à la gilde de Saint-Luc à Anvers. Il se hisse au plus haut de l'échelle sociale de la gilde où il assume de hautes responsabilités: doyen, trésorier, conseiller et coordinateur des oeuvres de bienfaisance. Il est la force motrice du nouvel essor de la Chambre de Rhétorique de cette gilde: il persuade Guillaume Ogier, homme de plume, d'écrire plusieurs ouvrages destinés au théâtre. De plus, il semble qu'il ait connu les écrits sur les paragones, tels que celui qui confrontait la peinture et la poésie. Thijs s'occupe également de la mise en pratique des cours de l'Académie anversoise. La réussite professionnelle se manifeste dans la productivité de son atelier. Il a eu au long de sa carrière une vingtaine d'apprentis. Dans les années soixante il donne journellement du travail à six aides. Ces aspects se traduisent en une haute productivité et rentabilité, qui sous-entendent une politique commerciale fructueuse. La méthode employée est celle de son beau-père qui a une importante entreprise d'import-export à Anvers. Celui-ci possède des filiales dans les principaux ports et villes commerçantes d'Europe, dirigées pour la plupart par des membres de sa famille toujours en quête d'articles et de marchandises. C'est ainsi que par l'intermédiaire des amis et des relations d'affaires, il vend des peintures de Thijs dans la péninsule ibérique, et obtient la commande pour le tableau d'autel du dôme de Cologne. Thijs se familiarise avec cette prospection de commanditaires. En outre, il s'entend bien en affaires. L'emplacement judicieusement choisi de son atelier au Meir témoigne de ses liens marchands. Les voisins fortunés lui commandent des portraits et des tableaux d'histoire. Jean-Baptiste Descamps voyait juste en parlant de l'amour du gain de Thijs. Le peintre acquiert une renommée pour ses tableaux d'autel non seulement à Anvers, en Brabant et en Flandre, mais aussi à l'étranger, tel qu'à Vienne et à Bribir (Croatie). Thijs tient également à s'assurer la protection de grandes personnalités anversoises telles que les membres de la famille Roose, dont le pater familias est Pierre Roose, chef-président du Conseil Privé des Pays-Bas (+1673). Le peintre a exécuté pour eux plus d'une vingtaine de toiles: portraits, tableaux sacrés et profanes. La thèse met aussi en évidence l'art du portrait de Peter Thijs. Elle confirme l'habileté du peintre vantée par Cornelis de Bie (1662). L'éloquence des mains, ainsi que l'exécution soignée du rendu du tissu brillant à reflets changeants, le rendent tributaire de Van Dyck. L'exposé confirme d'une part que dans les tableaux sacrés, il reste héritier du style de Van Dyck, sauf pour les toiles dont le sujet est la Descente de Croix dans lesquelles la composition et la palette sont rubéniennes. D'autre part, la peinture profane lui permet de suivre des effets de la mode du classicisme français, tout en mettant l'accent sur la joliesse et le goût pour la facture glacée. L'étude souligne que les compositions, les motifs et les accessoires propres à Rubens et à Van Dyck sont parfois enrichis de ceux des maîtres du Cinquecento, tel que Titien et Véronèse. Il n'est pas tenté par l'invention, car le manque de force dans les compositions monumentales l'oblige à être un peintre éclectique qui suit le courant continu d'une tradition d'imagerie. Ses toiles sont dépourvues d'originalité. Il est vrai que Thijs est un peintre habile qui s'adapte facilement au style des autres artistes qu'il croit être de mise dans la commande. Cette qualité explique d'une part qu'il soit sollicité à la mort de Jan van den Hoecke (+1650) et à celle de Cornelis Schut (+1655) comme peintre de cartons de tapisserie par l'archiduc Léopold-Guillaume (+1662). D'autre part, il semble que l'évêque anversois Ambroise Capello (+1676) lui ait commandé une copie fidèle du tableau commémoratif de ses parents peint par Rubens; ce fait confirme une fois encore son adaptabilité. Il est clair que ces exemples renforcent l'opinion de Dumont que personne n'a mieux imité Vandyck que Thijs. Enfin, pour la première fois, l'établissement d'un catalogue raisonné a prouvé que l'ensemble de l'oeuvre de l'artiste ainsi que l'éclectisme de son style étaient mal connus mais aussi mal articulé dans une vision générale de sa carrière. Ce travail, nous l'espérons, permettra de mieux préciser les attributions au peintre et d'explorer de nouvelles pistes dans ce sens. Il compte 49 oeuvres authentiques, dont 18 portraits, 22 tableaux sacrés et 9 profanes, ainsi que 44 peintures d'attribution par comparaison, dont 14 portraits, 18 tableaux religieux et 12 mythologiques. De plus, il s'avère être un outil indispensable afin de faciliter la recherche inédite des dessins du maître qui reste un domaine ignoré de l'artiste.
Bibliographic reference |
Maufort, Danielle. Le peintre anversois Peter Thijs (1624-1677) : l'un des derniers élèves d'Antoine van Dyck. Prom. : Vandevivere, Ignace |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149801 |