Roginsky, Sandrine
[UCL]
Jeanne Perrier, Valérie
[Paris Sorbonne - CELSA]
Notre proposition s’inscrit dans l’axe 3 de l’appel à proposition, celui de la question des innovations-créations médiatiques pour une nouvelle donne démocratique. Nous nous proposons en effet d’analyser l’ensemble du cycle de conception, réalisation et applications d’une série de formations à Twitter et aux réseaux sociaux, mis en place par quatre députés européens pour décliner l’initiative d’une agence de presse institutionnelle sur l’Europe (Toute l’Europe), à destination des députés européens : « Tweet ton député ». L’objectif poursuivi par cette initiative vise à « répondre au problème du déficit démocratique et à faire connaître l’action du Parlement européen et le travail de ses députés. Elle a pour vocation de promouvoir la démocratie européenne directe en permettant aux citoyens de poser des questions de manière immédiate et transparente. » Twitter apparaît dès lors pour Toute l’Europe comme un enjeu de promotion d’une action politique européenne renouvelée. Les chiffres qui émanent du Parlement européen renforcent cette idée : environ 30% des députés européens sont présents sur le réseau Twitter avec 218 députés actifs sur un total de 736. Par conséquent, ces sessions sont pensées comme le moyen d’étendre cette pratique émergente d’un lien supposé être retissé entre les élus européens et les citoyens. Cependant, aussi bien la structure que les acteurs impliqués dans le processus de formation qui s’apparente à une logique d’évangélisation laissent à penser que ce souhait de travailler le lien direct entre élus et citoyens rencontre de nombreux obstacles car il s’appuie sur une croyance en un leurre de démocratie directe. D’entrée de jeu cette série de formations s’inscrit dans une logique communicationnelle traditionnelle descendante. Il s’agit de former les députés à l’usage stéréotypé et technique du dispositif et non pas de leur permettre de rencontrer ou d’apprendre à reconnaître et interagir à des situations d’échanges sur les réseaux avec les citoyens. D’autre part les personnes présentes lors des sessions ne sont pas nécessairement des députés européens mais leurs assistants parlementaires, paradoxe puisque ces outils reposent sur une personnalisation supposée des interactions. A partir de cette situation de formation, nous explorons l’ensemble de la constitution du dispositif de formation en (à partir de l’analyse des supports de communication) travaillant l’hypothèse selon laquelle les outils de réseaux sociaux sont vus par les instances comme des outils complémentaires à la panoplie des pratiques communicationnelles traditionnelles (relations presse, contacts avec les lobbyistes, présence locale ; etc.). La situation de formation institutionnalise cette logique de complémentarité. Elle n’entraîne ni ne prépare à des bouleversements ou des modifications des pratiques du travail politique. Ensuite, nous rendrons compte de manière synthétique des réactions des personnes présentes lors des sessions de formation. Notre hypothèse est que ces acteurs sont conscients de l’ambiguïté sous-jacente du discours de formation qui leur est adressé. Ils sont enjoints à prendre la parole de manière directe alors que très souvent leur rôle consiste à préparer et à accompagner la prise de parole d’autres acteurs. Enfin, pour approfondir cette hypothèse d’une tension entre discours reçu et marge d’action concrète et réelle avec l’outil, nous rencontrerons lors d’entretiens semi-directifs ces mêmes acteurs, souvent assistants parlementaires mais aussi députés européens, pour explorer notre problématique encore plus finement. Les réseaux sociaux et Internet, s’ils induisent des transformations sur les temporalités du travail de communication nécessaire à la vie politique et sur l’échelle du territoire politique dans lequel l’élu est présent ne bouleversent pas de manière fondamentale et déterminante les pratiques traditionnelles et par conséquent le débat démocratique. Notre approche est originale en ce sens qu’habituellement, le regard porté sur les éventuelles transformations se centre sur les outils. Nous inversons la focale, en observant les réactions d’adaptations et d’ajustements à l’outil par un retour sur les logiques des acteurs et le quotidien de leurs pratiques de travail.
Bibliographic reference |
Roginsky, Sandrine ; Jeanne Perrier, Valérie. Ton député sur Twitter” - interactions entre être et paraître sur les réseaux sociaux. Ou l’illusion rejouée de la démocratie directe.Congrès de l'Association Française de Sociologique (AFS) (Grenoble, du 5/07/2011 au 08/07/2011). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/145850 |