Nyaluma Mulagano, Arnold
[UCL]
(fre)
L'accès au juge de l'administration est un droit consacré par les textes nationaux et internationaux au profit de tout administré congolais. L'effectivité de ce droit reste néanmoins aléatoire. A chaque étape de la procédure, le justiciable rencontre des difficultés énormes, parfois infranchissables. Les MARC comportent-ils une réponse à cette crise ? L'assertion de départ était tentante : l'Afrique étant reconnue comme une terre du règlement négocié, l'on a pris comme hypothèse de travail que le vent planétaire favorable aux MARC pourrait trouver, en droit administratif congolais, un terrain de prédilection. Le contrôle juridictionnel de l'administration congolaise est effectué par les juridictions de l'ordre administratif et les juridictions de l'ordre judiciaire, civiles et militaires. La Constitution du 18 février 2006 a instauré un ordre autonome de juridictions administratives. En attendant leur installation effective, le contentieux administratif relève, à titre transitoire, de sections incorporées au sein des juridictions de l'ordre judiciaire. Le texte actuellement en vigueur n'organise que la procédure devant la section administrative de la Cour suprême de justice. Le juge administratif intervient, à titre principal, dans le contentieux de légalité et, à titre subsidiaire, dans le contentieux d'indemnités. Il est également doté du pouvoir de contrôler l'acquisition et l'exercice des mandats publics. Les juridictions judiciaires se répartissent entre les juridictions de droit commun et les juridictions militaires. Les juridictions civiles interviennent principalement dans la mise en jeu de la responsabilité de l'administration et exceptionnellement dans le contrôle de la légalité des actes des autorités administratives. Le juge militaire connaît de la responsabilité de l'administration à l'occasion de la répression des infractions commises par les militaires et les policiers. Les constats réalisés dans la présente étude permettent d'affirmer que le contrôle juridictionnel de l'administration congolaise constitue une justice marginale, éloignée du citoyen et rejetée par lui. La défaillance des acteurs judiciaires, les carences institutionnelles et les inadéquations normatives éloignent la justice administrative congolaise des missions élémentaires de service public qu’elle devrait pourtant assumer. Les décisions de justice souffrent d'une faible qualité et d'une inexécution chronique. Tout ceci disqualifie le recours juridictionnel et dévalorise la notion de légalité. La médiation institutionnelle, la médiation processuelle, la conciliation et l'arbitrage constituent-ils une réponse à ces difficultés ? Alors que l'Afrique est réputée terre de MARC, c'est plutôt en Belgique qu'ils se développent. La médiation institutionnelle y joue un rôle régulateur incontestable. Par contre, le régime de la médiation processuelle reste peu incitatif. L'habilitation légale imposée au sujet des personnes morales de droit public ne permet pas l'éclosion de ce MARC en droit administratif belge. L'habilitation légale est également requise pour la participation de l'administration à la conciliation. Cette habilitation est intervenue à maintes reprises. Les cas étudiés démontrent une faible contribution de la conciliation aux litiges ponctuels. Elle semble mieux convenir aux litiges des masses dont les faits sont incontestés. En droit public belge, l'arbitrage est limité aux litiges contractuels. L'arbitrabilité des litiges extra-contractuels est soumise à une habilitation légale. La modification intervenue pour étendre le régime d'arbitrage à l'ensemble du litige contractuel et non plus seulement aux différends relatifs à l'élaboration ou à l'exécution ne suffit pas à lui assurer une grande efficacité. En règle générale, l'hésitation du législateur belge s'explique par le succès du juge de l'administration. La R.D.C. figure parmi les rares pays africains qui ignorent l'institution d'Ombudsman. La médiation traditionnelle à travers la palabre africaine a été évincée par l'administration coloniale et post-coloniale. Par contre, la conciliation se développe en droit administratif depuis les années 2000. Chaque nouveau texte réserve un espace à la conciliation. Longtemps cantonné au droit privé et aux litiges internationaux, l'arbitrage apparaît progressivement dans certains secteurs du droit administratif congolais à partir des années 2000. L'adhésion de la R.D.C. à l'OHADA consolide l'arbitrabilité des litiges impliquant l'administration. L'environnement socio-juridique congolais semble ainsi ouvert aux MARC. Il s'observe, en outre, une convergence favorable de la jurisprudence, de la doctrine et des acteurs politiques. Leur efficacité devant les difficultés d'accès à la justice administrative congolaise reste néanmoins sujette à caution. En l'absence d'une volonté de transparence administrative, il est à craindre que la tendance favorable au règlement négocié ne conduise à l'instauration de MARC en trompe l'œil, sans impact réel sur les difficultés d'accès à la justice administrative congolaise. Au terme de cette étude, il apparaît que la perspective d'un meilleur accès à la justice administrative passe plutôt par une alternative citoyenne. Celle-ci semble distiller des vertus susceptibles de favoriser l'implémentation des MARC et la rationalisation du contrôle juridictionnel de l'administration congolaise. La justice citoyenne préconisée dans cette thèse désigne la faculté pour l'administré et l'agent public de régler directement leur conflit sans s'en référer à l'appareil judiciaire. Elle repose sur deux piliers : la défiance et le dialogue. La justice citoyenne alimente la responsabilité et l'émancipation des citoyens. Les réponses inventées par les citoyens et les agents publics révèlent une véritable résilience qui augure une perspective intéressante pour l'accès à la justice administrative congolaise. Apprivoiser et intégrer cette justice pragmatique dans le giron de la justice étatique devrait ouvrir des horizons nouveaux pour les justiciables congolais. L'interaction entre ces MARC et le contrôle juridictionnel devrait faire bouger les lignes et générer ainsi une certaine amélioration de la justice administrative. En examinant la question au départ d'initiatives citoyennes, la thèse réinterroge le paradigme dominant dans la réforme de la justice en RDC et dans les Etats qui partagent le même contexte.


Bibliographic reference |
Nyaluma Mulagano, Arnold. Les modes alternatifs de règlement des conflits : à la recherche d'une clé d'accès à la justice administrative congolaise. Prom. : Renders, David |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/145487 |