Campion, Jonas
[UCL]
Dès la Libération, dans un contexte de renaissance généralisée, l’institution militaire belge est confrontée à une obligation de justice militaire par rapport à la guerre qui se termine. Son but est d’examiner les comportements individuels de ses membres, de la Campagne des 18 jours à la captivité en passant par l’action et le comportement des militaires en territoire occupé. Comme dans l’ensemble des catégories socio-professionnelles de la société belge, une structure bicéphale s’établit à l’armée pour répondre à ces aspirations de justice: à côté des enquêtes pénales (organisées dans le cadre des auditorats militaires), se mettent en place des procédures internes (commissions d’enquêtes et d’avis) destinées à faciliter la tâche du Ministre de la Défense dans la dynamique, consécutive au conflit, de sanctions administratives à l’encontre des militaires ayant été à l’encontre de leurs devoirs professionnels. Organisées par et pour des soldats, ces structures d’épuration témoignent d’une volonté de « justice » dans l’institution militaire belge. Dans le cadre de cette communication, à l’aide des archives du Cabinet du Ministre de la Défense Nationale, nous avons l’ambition d’analyser la l’évolution de la structuration et de l’organisation, ainsi que les principes de fonctionnement du paysage de l’épuration administrative de l’armée belge tel qu’il s’organise entre septembre 1944 (promulgation de l’arrêté-loi instaurant le principe de ces commissions) et la fin de l’année 1947 (dissolution de la majorité des commissions établies au sein du Ministère de la Défense Nationale). Nous nous intéresserons plus particulièrement au travail du Service des Enquêtes (S.E.), organe commun à l’ensemble des commissions militaires, instauré en mars 1945 et spécifiquement dédié à l’instruction des affaires concernant les officiers et soldats incriminés pour faits d’incivisme ou pour leur comportement durant la campagne de mai 1940. Par ce biais, nous nous interrogeons sur l’esprit de cette épuration. En quoi définit-elle un système de justice militaire témoignant de la restructuration du Ministère de la Défense Nationale ? D’ailleurs, son identité est-elle aussi militaire qu’il est possible de le croire au premier abord ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une épuration professionnelle militarisée ? Quels en sont les acteurs (origine, âge, formation, …) ? Quels sont les principes majeurs qui guident le travail du S.E. d’abord, des commissions ensuite (base juridique, volonté politique, volonté des acteurs, volonté des épurés …) ? Enfin, autant que possible, nous quantifions aussi le travail de ces différents organismes, en différentiant les catégories concernées (gendarmes, officiers d’active et de réserve, sous-officiers d’active et de réserve, …). En conclusion, cette communication a pour objet de réfléchir aux instances d’épuration administrative qui s’établissent au sein de l’armée belge après la Libération. A l’aide d’archives inédites, elle réfléchit à un modèle particulier de justice militaire, devant répondre à la fois au problème de la répression de l’incivisme et gérer les séquelles de la défaite de 1940. Son intérêt est donc évident dans le cadre réflexif de cette série de séminaires. Elle permet en outre de soulever le voile d’une question trop largement absente de l’historiographie belge contemporaine.
Bibliographic reference |
Campion, Jonas. Une forme particulière de ‘justice militaire’: les structures d’épuration administrative au sein de l’armée belge après la Seconde Guerre mondiale . In: Jean-Marc Berlière, Jonas Campion, Luigi Lacché, Xavier Rousseaux (dir.), Justices militaires et Guerres mondiales (1914-1950)/ Military Justice and World Wars (Europe, 1914-1950), Presses Universitaires de Louvain : Louvain-la-Neuve 2013, p. 319-335 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/136733 |