Pogor, Constantin
[UCL]
(fre)
Un des livres les plus fascinants de la Bible, le livre des Juges, comporte parmi des histoires de guerre, d’amour, de tragédie ou de famille, deux récits d’assassinats perpétrés au moyen d’une ruse. Ainsi, les récits d’Éhud et de Débora et Baraq qui se suivent dans le livre se présentent comme une sorte de diptyque, dans la mesure où, à première vue, plusieurs points communs les rapprochent immanquablement. En effet, tous les deux se fondent et reprennent fidèlement le schéma-cadre de Jg 2, 10-19, présentent une ruse destinée à faciliter le meurtre d’un ennemi d’Israël, comportent une structure de l’intrigue similaire et en miroir, et font appel aux mêmes artifices narratifs.
Pour analyser le diptyque, il a été nécessaire, dans un premier temps, d’établir le texte car plusieurs éléments font difficulté ou posent question. En outre, comme ces récits sont intercalés par la brève notice sur Shamgar, il a paru opportun de s’interroger aussi sur le rôle de celle-ci dans la dynamique narrative, sur les limites des deux épisodes et sur leur intégration dans le livre des Juges.
L’étude narrative de chacun des récits de manière indépendante a mis en évidence, dans l’intrigue du récit d’Éhud, une structure narrative reposant sur deux cadres qui s’interpénètrent, sans s’exclure ni s’appauvrir ; quant à l’intrigue de l’épisode de Débora et Baraq, elle est marquée par un rebondissement narratif soigneusement préparé, entre autres, par la stimulation de l’intérêt du lecteur par rapport aux faits narrés.
La recherche se prolonge ensuite par une étude comparative des deux narrations. La lecture intratextuelle montre des points de rapprochements significatifs, non seulement au niveau thématique mais aussi au niveau du vocabulaire, des actions ou des procédés narratifs. Cette contiguïté fait que les deux récits renvoient l’un à l’autre, ce qui invite à un regard croisé et entraîne chez le lecteur une nouvelle appréciation des actions que les personnages posent au cours des événements et des décisions qu’ils prennent.
Au terme de l’enquête, il apparaît que, tout en se présentant comme une lecture théologique des histoires racontées, ces récits doivent être considérés comme des oeuvres littéraires d’un grand raffinement. En même temps, la structure narrative et la construction de l’intrigue, à la fois similaires et originales, déploient une fine stratégie communicationnelle. Celle-ci se situe au niveau des ellipses narratives, de l’enchevêtrement de l’ironie avec une ruse, de l’usage de la surprise, greffée sur un dynamisme de suspense et de curiosité, sans oublier des heureuses coïncidences qui posent question au lecteur.
Meurtre, ruse, actions de guerre, stratagème et héros inattendus sont au coeur de ces récits où Dieu, discrètement ou ouvertement, intervient pour sauver Israël. Et pour faire en sorte que les faits racontés ne soient pas l’objet d’un jugement éthique négatif, le narrateur oriente son lecteur en faisant amplement appel aux trois dynamismes narratifs (suspense, curiosité et surprise) en vue de mettre au point une stratégie narrative capable d’attirer le lecteur dans le camp de ses héros.


Bibliographic reference |
Pogor, Constantin. Les ruses d’Éhud et de Yaël : recherche narrative sur Jg 3, 11b-30 et 4 (+5, 31b). Prom. : Wénin, André |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/110559 |