Cohabitation, "intimité à distance" ou isolement familial ? Les rapports familiaux intergénérationnels aux âges élevés dans la société portugaise

(fre) Dans un contexte de profondes mutations de la société portugaise, nous nous interrogeons sur l’importance et les caractéristiques des relations familiales intergénérationnelles des individus de 55 à 90 ans. Les échanges affectifs, de biens et de services, entre les parents et leurs enfants adultes sont analysés en fonction du sexe du parent et de l’enfant adulte, de la structure du ménage et de la catégorie socio-économique des individus de la génération plus âgée. Au-delà des caractéristiques propres aux individus, nous évaluons l’impact de quelques caractéristiques d’opportunité de la relation (distance entre les logements et fréquence des contacts) sur les échanges familiaux intergénérationnels. En somme, nous visons à appréhender dans quelle mesure les caractéristiques structurelles des individus impliqués dans les relations familiales intergénérationnelles et les caractéristiques structurelles de ce type de relations contribuent à la détermination des échanges de ressources et d’assistance où les aînés sont impliqués en tant que personnes aidées et/ou en tant que aidants. D’après l’enquête CIDIF réalisée dans le cadre de cette recherche où nous avons interrogé 1100 individus de 55 à 90 ans qui habitent la région Nord du Portugal, les parents n’aident pas leurs enfants adultes de la même façon qu’ils sont aidés par eux. Les dons en argent et en nature et la garde des petits-enfants constituent les principales formes d’aide aux enfants tandis que l’aide en services (travaux domestiques, petites réparations, courses, démarches administratives et surtout l’accompagnement lors des visites médicales et démarches administratives) profite d’avantage aux parents. Le soutien moral est la forme d’aide mutuelle, par excellence. L’aide des enfants est motivée par l’aide passée et, encore plus, par l’aide présente des parents. Néanmoins, une analyse de genre montre que les enfants du sexe féminin sont plus altruistes que les enfants du sexe masculin car ils ont plus tendance à aider leurs parents quand ils n’ont pas été ou ne sont pas aidés par eux. Les résultats de l’enquête CIDIF soulignent l’importance de la relation mère-fille dans l’ensemble des relations familiales intergénérationnelles dans les contextes de cohabitation et « d’intimité à distance ». Toujours dans une perspective de genre, on retrouve une dichotomie claire entre les tâches considérées comme typiquement féminines (ménage, linge, cuisine), assumées par les filles et les tâches à connotation masculine (petites réparations à la maison), prises en charge par les enfants du sexe masculin, dans les situations « d’intimité à distance ». Une analyse par catégorie socio-économique révèle que les individus de 55 à 90 ans appartenant à des catégories socio-économiques plus défavorisées se trouvent plus isolés de la famille proche : ils vivent plus souvent en solo, la cohabitation intergénérationnelle est plus rare, ils ont moins de visites et moins de contacts téléphoniques avec leurs enfants non cohabitants. Cependant, l’aide en services des enfants adultes aux parents appartenant à des catégories défavorisées est plus importante que celle qui est accordée dans d’autres catégories socio-économiques. Les enfants avec des parents pauvres assurent une aide que les aînés plus fortunés sont en mesure de payer à une troisième personne ou entité (aide dans les travaux domestiques, les petites réparations à la maison ou d’autres services). Les parents pauvres n’aident pas moins leurs enfants adultes que les autres parents, à l’exception de l’aide en argent qui n’est pas à leur portée. En ce qui concerne l’impact de la structure du ménage sur les échanges familiaux intergénérationnels, on peut affirmer que les chances d’aider et d’être aidé par les enfants dépendent surtout de la présence ou de l’absence d’un conjoint ou partenaire. Au Portugal, quand l’aîné perd son conjoint, il perd également une relation plus soutenue avec ses enfants. Les échanges entre parents et enfants adultes varient en fonction de la structure d’opportunité de la relation. Les aides les plus fréquentes des enfants aux parents (soutien moral et accompagnement lors des sorties pour des raisons médicales ou administratives) et des parents aux enfants (soutien moral et garde des petits-enfants) sont très clairement associées à la fréquence des visites et celle-ci à la distance entre les logements.