Lejeune, Anaël
[UCL]
Encore empreint de l'esthétique du XVIIIe siècle, de la pensée de Diderot notamment, le Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure de Watelet et Lévesque, publié au seuil du XIXe siècle, semblerait néanmoins témoigner d'un changement de sensibilité quant à la réception de la sculpture. Nous montrons en effet comment, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, s'est fait jour un attrait nouveau pour une sculpture dont la surface matérielle ne possédait pas une qualité parfaite de finition, capable de conférer au marbre la mollesse de la chaire, mais conservait un aspect fruste. Si la problématique du degré de « fini » ou de « non fini » auquel est mené la sculpture remonte aux Vies de Vasari, c'était alors principalement pour y être pensée comme la capacité d'une œuvre moins parfaitement achevée à permettre au spectateur éloigné d'en distinguer plus facilement le contour. Or nous montrons comment, au XVIIIe siècle, cette problématique du « non fini » répond à une autre fonction: à savoir, que le matériau laisse apparaître les traces du travail de l'artiste. Par delà l'imitation de la nature donc, c'est un intérêt pour l'œuvre comme indice du geste créateur qui apparaît. S'immisce alors cette pensée de la capacité du matériau à rendre, au creux même de l'imitation, quelque chose de l'activité ayant présidé à la naissance de la figure. Témoignent d'ailleurs de ce glissement, l’intérêt grandissant accordé aux modèles en terre et la revalorisation de la figure du modeleur, au point de reléguer à un rang second les sculptures en bronze et en marbre.


Bibliographic reference |
Lejeune, Anaël. N'être pas seulement chair : la surface sculpturale comme lieu du travail de l'artiste à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. In: Dekoninck, Ralph (ed.) ; Guiderdoni-Bruslé, Agnès (ed.) ; Kremer, Nathalie (ed), Aux limites de l’imitation. L’ut pictura poesis à l’épreuve de la matière (XVIe-XVIIIe siècles), 2009, p.185-201 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/105629 |