Van Outryve d'Ydewalle, Sixtine
[UCL]
Qu’il s’agisse du fossé entre classes gouvernante et gouvernée, du déclin de la participation électorale, de la montée de l’extrême droite ou de la perte de confiance dans les institutions, les signes de dysfonctionnement du gouvernement représentatif prolifèrent dans les sociétés modernes. Comment surmonter la crise de la démocratie représentative qui éloigne les individus de la politique ? Est-il possible de reconstruire des institutions démocratiques qui permettraient au peuple d’exercer directement le pouvoir ? Comment réaliser un tel autogouvernement ? La thèse ambitionne de répondre à ces questions en explorant la démocratie directe communaliste comme alternative à la démocratie représentative, à la fois sur le plan théorique et pratique. La première partie de la thèse construit la démocratie directe communaliste comme théorie de la démocratie permettant l’autogouvernement du peuple. Le premier chapitre élabore une critique du système existant – la démocratie représentative – en identifiant ses limites pour permettre l’autogouvernement populaire, et ce malgré les amendements apportés par les théories participative et délibérative de la démocratie. Le deuxième chapitre conceptualise la théorie de la démocratie directe communaliste comme une alternative à la démocratie représentative, proposant que le pouvoir public soit exercé directement par des assemblées populaires organisées au niveau communal et confédérées entre elles. Le chapitre élabore les deux concepts principaux de cette théorie – l’institution du peuple assemblé et la représentation directe de sa volonté par des personnes déléguées dotées de mandats impératifs et révocables – et répond aux objections quant à sa désirabilité et sa viabilité. Le troisième chapitre traite de la stratégie de transformation vers un tel système d’autogouvernement, qui consiste à présenter une liste aux élections municipales afin de lier le mandat des personnes élues aux décisions de l’assemblée locale. Il adresse ensuite les objections quant à la faisabilité de cette stratégie. La seconde partie de la thèse est consacrée à l’étude de la pratique de la démocratie directe par le mouvement des assemblées à Commercy (France), à partir d’un terrain de deux ans (2018-2020) combinant observation participante, entretiens individuels et collectifs semi-directifs et analyse textuelle. Après avoir narré l’histoire de ce mouvement dans le premier chapitre, la thèse procède à l’analyse de cette expérience à travers le développement de la relation dialectique entre démocratie directe d’assemblées et démocratie représentative. Le deuxième chapitre montre ainsi que, dans le contexte de la critique de la représentation portée par le mouvement des Gilets jaunes, la forme de démocratie directe qu’est l’assemblée s’est construite à Commercy contre la démocratie représentative. Le troisième chapitre analyse la stratégie électorale adoptée par une partie des Gilets jaunes de Commercy, cherchant à faire advenir la démocratie directe basée sur l’assemblée par la démocratie représentative. En effet, les acteurs et actrices ont entrepris de présenter une liste citoyenne aux élections municipales de mars 2020 dont le seul programme consistait à lier le mandat des personnes élues aux décisions de l’assemblée, soit d’utiliser l’outil paradigmatique de la démocratie représentative, les élections, dans le but donner le pouvoir à l’institution du peuple assemblé. Le quatrième chapitre explique comment le mouvement, après l’échec aux élections, a tenté de reconstruire son projet de démocratie directe d’assemblées sans la démocratie représentative. Le cinquième et dernier chapitre expose l’imaginaire démocratique radical que le mouvement a voulu instituer en lieu et place de la démocratie représentative. Le chapitre se concentre sur la manière dont les acteurs et actrices de Commercy ont institué le peuple assemblé à partir de leur propre pratique, et sur la manière dont le concept de représentation est réinventé par cette expérience. Il s’agit de montrer comment la pratique permet tant de questionner que d’enrichir la théorie.
(eng)
Theory and practice of communalist direct democracy. Self-government by the assembled people Whether it is the gap between ruler and ruled, the decline of electoral participation, the rise of the far right or the loss of confidence in institutions, signs of dysfunction of the democratic political system proliferate across modern societies. How to overcome the crisis of representative democracy driving individuals away from politics? Is it possible to re-construct democratic institutions that would allow the people to directly exercise public power and regain control over their lives? How can such self-government be achieved? This dissertation aims to answer these questions by exploring communalist direct democracy as an alternative to representative democracy, both in theory and in practice. The first part of the PhD constructs communalist direct democracy as a theory of democracy that allows for the self-government of the people. The first chapter develops a critique of the existing system - representative democracy - by identifying its limits in enabling popular self-government, despite the amendments made by participatory and deliberative theories of democracy. The second chapter conceptualises the theory of communalist direct democracy as an alternative to representative democracy, proposing that public power be exercised directly by popular assemblies organised at communal level and confederated among themselves. The chapter develops the two main concepts of this theory: the institution of the assembled people and the direct representation of its will by delegates with imperative and recallable mandates. It then responds to a series of objections that can be made to its desirability and viability. The third chapter deals with the strategy for moving towards such a system of self-government, which consists of presenting a list at municipal elections in order to link the mandate of the elected persons to the decisions of the local assembly. It then addresses objections to the feasibility of this strategy. The second part of the dissertation studies the practice of direct democracy by the assembly movement in Commercy (France), based on a two-year fieldwork (2018-2020) combining participant observation, semi-directive individual and group interviews and textual analysis. After narrating the history of this movement in the first chapter, the thesis proceeds to analyse this experience through the development of the dialectical relationship between assembly direct democracy and representative democracy. The second chapter shows that, in the context of the critique of representation advanced by the Yellow Vests movement, the form of direct democracy that is the assembly was built in Commercy against representative democracy. The third chapter analyses the electoral strategy adopted by some of the Yellow Vests in Commercy, seeking to bring about direct democracy based on the assembly through representative democracy. Indeed, the actors undertook to present a citizens’ list for the March 2020 municipal elections, which sole programme was to link the mandate of the elected people to the decisions of the assembly, that is, to use the paradigmatic tool of representative democracy, the elections, with the aim of giving power to the institution of the assembled people. The fourth chapter explains how the movement, after the failure of the elections, tried to rebuild its project of direct democracy of assemblies without representative democracy. The fifth and final chapter sets out the radical democratic imaginary that the movement sought to institute in place of representative democracy. The chapter focuses on the way in which the Commercy actors instituted the assembled people on the basis of their own practice, and on the way in which the concept of representation was reinvented by this experience. The aim is to show how practice both questions and enriches theory.
Référence bibliographique |
Van Outryve d'Ydewalle, Sixtine. Théorie et pratique de la démocratie directe communaliste. L’autogouvernement par le peuple assemblé. Prom. : De Schutter, Olivier ; Tom Dedeurwaerdere, Tom |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/286526 |