Phénoménalité, possibilité, réalité. La phénoménologie à l’épreuve du transcendantal

La question du possible et de l’impossible est étroitement liée à la question cruciale, telle que la phénoménologie radicalisée de Michel Henry nous la prospecte, concernant l’essence de la phénoménalité, à savoir la possibilité réelle de l’apparaître originaire d’être ce qu’il est. Mais, ainsi référée à l’essence de la phénoménalité, c’est d’abord le statut ontologique du transcendantal qui exige d’être (ré)pensé : non pas, comme le fait Kant par exemple, comme forme vide, représentation pure, condition détachée du champs d’expérience qu’elle ouvre, mais au contraire, et phénoménologiquement, comme effectivité, réalité concrète. Penser le transcendant, c’est-à-dire la conscience phénoménologique, en le considérant dans sa vie concrète, ceci a été certainement le grand tournant représenté par la phénoménologie heideggérienne du Dasein. Emprunté à la structure du monde, la phénoménalité du Dasein s’avère pourtant traversée elle aussi, selon Michel Henry, par une indigence ontologique foncière qui, dans la perspective de la phénoménologie matérielle, consiste encore une fois en une véritable et décisive « perte de réalité ». La phénoménologie de Michel Henry défend le principe suivant lequel, pour pouvoir être ce qu’elle est et exercer la fonction qui la constitue en tant que telle, la phénoménalité doit d’abord elle-même réaliser son propre apparaître, s’assurer en autonomie non seulement la possibilité de sa propre constitution mais la réalisation effective de son propre être. Reconduite au sein de cette dimension ontologique originelle, c’est de la réalité même du possible en tant que tel et de son être qu’il s’agit alors : de l’identité inouïe du possible et du réel qui, dans la perspective de la phénoménologie matérielle, renvoie à l’effectivité inekstatique de l’auto-affection, au « s’éprouver soi-même » qui fait l’étoffe et la « chair » de chaque « je peux » corporel.