Campion, Jonas
[UCL]
Le fédéralisme belge est unique à plus d'un titre : il se construit progressivement, par successions d'importantes réformes de l'état à partir des années 70. Il est centrifuge, puisque apparaissant à partir d'un État centralisé, fondé en 1830. Il est ensuite pluriel et asymétrique : d'une part, deux formes d'entités fédérées cohabitent en son sein (communautés et régions) ; d'autre part, il y a eu des choix distincts adoptés entre Flandre et Wallonie, créant une situation institutionnelle différente de part et d'autre de la frontière linguistique. Les particularités de ce fédéralisme qui traverse une société profondément clivée mettent à l'avant plan les questions d'organisation et d'action des organes et fonctions régaliennes en son sein. De quelle manière police et justice prennent-elles places dans ce contexte politique et institutionnel si spécifique ? Dans quelle mesure l'exercice de ces fonctions reflète-t-il le fédéralisme belge ? La situation du système policier est à cet égard révélatrice : à l'heure actuelle, il n'a encore été que très partiellement marqué par les conséquences de ce fédéralisme en chantier. Son organisation actuelle, entre zones de police locale (basées sur les communes) et police " fédérale " (à comprendre ici comme " nationale ") est une conséquence directe à la fois de l'histoire longue de l'appareil policier remontant en large partie aux choix posés par le législateur belge en 1830, et de réformes initiées à partir de 1998, des suites du traumatisme de l'affaire " Dutroux " et d'une série de dysfonctionnement survenus durant les années 80. Jusqu'à cette réforme, l'équilibre policier adopté en 1830 avait été d'une stabilité exemplaire. En Belgique, le cœur de l'exercice de la police se situe au plan ultra-local, aux niveaux des communes. L'autonomie locale est un principe fondateur de la définition de la sécurité dans le pays. Pourtant, ces dernières années, des suites notamment de la mise en œuvre de la dernière réforme de l'État, les communautés et régions exercent dorénavant des compétences qui impliquent beaucoup plus directement police et justice. Progressivement, dans un contexte réflexif sur le futur de l'appareil policier - marqué également par une situation sécuritaire liée au risque terroriste et par une intégration du pays dans un monde globalisé -, le débat sur la fédéralisation (régionalisation) de la police connaît ces derniers mois des développements inédits. Il fait intervenir des arguments professionnels, d'efficience, de cohérence politique mais également des arguments ancrés dans le champ communautaire. Ce débat est également influencé par la multiplication de nouveaux acteurs de la sécurité, notamment avec l'apparition d'agents sanctionnateurs communaux, dans le cadre d'un processus de déjudiciarisation dans la réponse apportée à certaines incivilités. Dans le cadre de cette communication, nous reviendrons sur les particularités du fédéralisme belge et sur ses conséquences en matière policière. Nous les analysons à la fois dans une perspective chronologique de moyenne durée et dans une perspective de comparaison géographique, en confrontant la situation belge à celle d'un État à tradition beaucoup plus centralisatrice : la France.
Bibliographic reference |
Campion, Jonas. Des polices clivées? Approche comparée des systèmes policiers belges et français contemporains.Congrès Suisse de Criminologie 2018: "Criminalité, justice pénale et fédéralisme" (Interlaken (Suisse), du 07/03/2018 au 09/03/2018). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/196206 |