Mathey, Estelle
[UCL]
The relations between voice and literature, far from simply emphasizing the metaphorical common place of the author's presence projected by the reader, carry with them a complex set of dynamics and procedings of unveiling, which engage all intersubjective relations in both physical and corporal dimensions, as well as in symbolic and identitary ones. Whether on the imaginary level of silent reading or more concretely when read out loud, the voice which succeeds in piercing the mere surface of speech. By making its proper intonation, its musicality, its unique timbre, it participates in another order of revelation than that of meaning – as attached to the body and to sensitive intuition – and invests a symbolic order, which brings about social bonding. By deploying in these different registers, the voice confronts the experience of “otherness” and affirms both its plural character and its expressive potential. Studying such an elusive object proves to be more than justified, since the new vocal technologies have enabled it to be recorded and broadcast on an unparalleled scale, forcing reflection on the identity of a subject confronted to the unprecedented listening of voices without body. By assimilating the societal utopia, allowed by recent technological and mediatic devices, of capturing voices, literature becomes aware of a growing interest in the voice as an entity, and grants it teleological virtues. In doing so, the voice becomes the engine of a quest towards a different degree of meaning. It augurs an upheaval and carries the subject’s affective life in an oscillation between fascination and repulsion of the sensible and impalpable truth to which the voice confronts it. However, in spite of what seems like a facilitation of its listening on the individual level, the voice itself is threatened by a societal inaudibility. Because of the very same possibilities of increased public expansion, to the detriment of the intersubjective exchange’s quality, the voice is likely to drown itself in the noisy mass of speeches. In this context the voice, which recalls to the body through its listening faculty and proclaims the emancipation of univocal or conventional networks of meanings, endorses even more strongly a subversive and salutary value in the search for an expressivity that would go beyond the dead ends and pitfalls of a perverted and stereotyped speech. Because its uniqueness makes the singularity of the subject heard, it allows the contemporary subject to invest, in the rustling silence of the literary text, a space of intimacy protected from the anarchy of the social body. Thus, the problematic of our theses aims to study the way in which contemporary literature, starting from its textual material, suggests the singularity of the voice as a point of resistance to the disenchantment of meaning, stifled by the noisy and diffuse mass of social discourse. Through the works of Jacques Rebotier and François Emmanuel, four sides of the voice will be tackled in order to grasp the tension it creates between the intimate space of the individual and the public space of the collective: mythological, ethical, poetical and political.
(fre)
Les rapports entre voix et littérature, loin de souligner simplement le lieu commun métaphorique de la présence de l’auteur projetée par le lecteur, charrient avec eux un ensemble de dynamiques et de processus de dévoilement complexes engageant toute relation intersubjective dans ses dimensions aussi bien physiques et corporelles que symboliques et identitaires. Que ce soit sur le plan imaginaire de la lecture silencieuse ou plus concret de la lecture à voix haute, la voix qui parvient à percer la nappe de la parole en faisant entendre son intonation, sa musicalité, son timbre unique, participe à un autre ordre de révélation que celui de la signification, rattaché au corps et à l’intuition sensitive, et investit le symbolique, opérateur du lien social. En se déployant dans ces différents registres, la voix se confronte à l’expérience de l’altérité, affirme son caractère pluriel et son potentiel expressif. L’enjeu de l’étude d’un tel objet fuyant se justifie d’autant plus depuis que les nouvelles technologies vocales en ont permis l’enregistrement et la diffusion à une échelle inégalée, forçant la réflexion sur l’identité du sujet, confronté à l’écoute inédite de voix sans corps. Assimilant l’utopie sociétale de la capture de la voix par les récents dispositifs technologiques et médiatiques, la littérature rend compte d’un intérêt croissant pour l’objet voix en lui accordant des vertus téléologiques : la voix devient le moteur d’une quête vers un autre degré de sens, augure d’un basculement et porte la vie affective du sujet, dans une oscillation entre fascination et répulsion face à la vérité sensible et impalpable à laquelle elle confronte. Cependant, malgré ce qui se présente comme une facilitation de son écoute sur le plan individuel, la voix propre subit la menace d’une inaudibilité sociétale face à la masse bruyante des discours en raison précisément de ces mêmes possibilités d’expansion accrues, au détriment de la qualité de l’échange intersubjectif. Dans ce contexte, la voix reconduisant au corps par la faculté d’écoute et proclamant l’émancipation de la signification univoque et des réseaux de sens conventionnels endosse plus fortement encore une valeur subversive et salvatrice dans la recherche d’une expressivité qui dépasserait les impasses du discours et les écueils d’une parole dévoyée et stéréotypée. Parce que son unicité fait entendre la singularité du sujet, elle permet au sujet contemporain d’investir, dans le silence bruissant du texte littéraire, l’espace de l’intimité à l’abri de l’anarchie sonore du corps social. La problématique de notre thèse vise ainsi à étudier la manière dont la littérature contemporaine, partant de sa matière textuelle, donne à entendre la singularité de la voix comme point de résistance à la déprise du sens, étouffé par la masse bruyante et diffuse des discours sociaux. À travers les œuvres de Jacques Rebotier et de François Emmanuel, quatre versants de la voix seront abordés, mythologique, éthique, poétique et politique, pour saisir la tension qu’elle aménage entre l’espace intime de l’individu et l’espace public du collectif.
Bibliographic reference |
Mathey, Estelle. Inscrire la voix dans la littérature française contemporaine : mythologie, éthique, poétique et politique de la voix chez Jacques Rebotier et François Emmanuel. Prom. : Piret, Pierre |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/186144 |