Dostie Proulx, Pierre-Luc
[UCL]
Dans cette communication, nous nous intéresserons à la décision éthico-politique sous l’angle pragmatiste de la résolution de conflits. Largement répandu en philosophie morale et politique, le modèle pragmatiste s’intéresse aux processus de rétablissement de continuités perdues dans la sphère de l’activité humaine. Ce modèle insiste sur trois moments cardinaux à la résolution de conflits : la rupture de continuité (instauration du problème), l’enquête (établissement d’hypothèses) et la fixation de la croyance (retour vers la continuité à travers la prise de décisions). C'est d’abord l’agir préréflexif, troublé par un impondérable dans l’action, que le pragmatisme vise à restaurer à travers l’enquête. L’idée est donc de déployer la réflexivité pour rétablir la préréflexivité perdue. Bien que le pragmatisme persuade par son abandon d’un intellectualisme pontifiant et une efficace épistémologique indubitable, les théories pragmatistes contemporaines post-Dewey tendent à omettre un concept clé au pragmatisme classique. Ce grand oublié, c’est le concept « d’expérimentation ». Cet exposé visera à préciser le rôle de l’expérimentation dans l’enquête sociale et politique, et ce, afin d’expliciter son rapport avec la légitimité des hypothèses fournies par l’enquête. L’expérimentation, comprise comme une « variation délibérée des conditions existentielles données », sera d’abord conçue comme le prolongement de la réflexion dans l’action1. C’est cet aspect de l’expérimentation que nous mobiliserons afin d’exposer l’interrelation existant entre la légitimité des hypothèses et l’expérimentation. Pour ce faire, nous présenterons succinctement trois grands mérites de l’expérimentation. Le premier mérite – le plus manifeste – tient à son potentiel révélateur de factualité. L’expérimentation a la qualité de pouvoir mettre en lumière les différents effets pratiques liés à l’implantation d’une hypothèse retenue. Le deuxième mérite, plus subtil, est de nature normative ou contrefactuelle. Nous soutiendrons que l’expérimentation, à travers une modification de l’environnement conflictuel, permet de mettre en relief des arguments normatifs que la seule réflexion n’a parfois pu anticiper. Nous nous pencherons ainsi sur cette capacité normative qu’a l’expérimentation à influer sur la légitimité des raisonnements normatifs à travers la mobilisation de nouveaux éléments contrefactuels. Nous insisterons finalement sur le potentiel stabilisateur de l’expérimentation. Nous exposerons le rôle crucial que joue ce concept dans le rétablissement de la continuité perdue en soutenant que seule l’expérimentation permet de quitter la sphère réflexive instituée par le doute afin de retourner vers la continuité de l’agir préréflexif. Nous terminerons cette présentation en montrant comment ces diverses considérations théoriques sur l’expérimentation ouvrent la voie à une conception encore plus compréhensive de la prise de décision éthico-politique.
Bibliographic reference |
Dostie Proulx, Pierre-Luc. Pragmatisme, expérimentation et décision politique.Décision politique et vérité (Paris, France, 15/11/2013). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/181630 |