de Hasque, Jean-frédéric
[UCL]
Si l’usage de matériel audiovisuel pour recueillir des données scientifiques est diverse- ment apprécié (Harstrup, 1992 ; Piault, 2000 ; Lallier, 2009), je tenterai d’en démontrer la pertinence et l’intérêt sur le terrain (de Hasque, 2012, 2013a, b, c). Voyant même au-delà de l’obstacle présumé que représente un appareil de prise d’images (Tanio, 1994 ; Cornu, 2010), le fait est que, paradoxalement, il facilite le contact et se transforme en instrument de médiation. Ma réflexion est intimement liée à mon intérêt pour l’écriture narrative et à la volonté de faire science, que ce soit avec des images ou des mots. Par la caméra, tout comme avec le carnet, l’on se place en observation afin de produire. Afin d’amener un matériau vers un autre stade, un article, un film, un livre. On décante et synthétise des données. Au cours d’un processus d’écriture filmée, l’on peut dire que l’objet-caméra se transforme et prend un autre statut, tout comme l’opérateur se mue et s’incarne en un passeur. Sur le terrain, après un temps d’adaptation, nous « prenons place », nous ne sommes plus une présence étrangère, en dehors du jeu, au bord de la bulle (Sloterdijk, 2003). Si nous restons un corps étranger, celui-ci s’est néanmoins immergé. Muni d’une caméra, objet synonyme de médiatisation, nous devenons des vecteurs de communication ; la machine nous prête les atours du journaliste et nous sommes à la fois vus comme des investigateurs, mais aussi comme des relais potentiels d’une information. Affublé d’un statut de reporter qui peut être considéré comme plus agressif (parce que curieux et fouineur), mais parfois plus intéressant que celui de l’homme au carnet, notre position devient celle d’un intermédiaire pour le filmé ou l’informateur. C’est ainsi l’objet qui transforme la relation avec « le terrain ».
Bibliographic reference |
de Hasque, Jean-frédéric. Le terrain filmé, la caméra comme outil de production et de médiation entre les
différents acteurs. In: Clémentine Gutron, Vincent Legrand (dir.), Eprouver l'altérité. Les défis de l'enquête de terrain., PUL : Louvain la Neuve 2016, p. 103-118 |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078/179781 |