Randriatavy, Lova
[UCL]
A Madagascar, le statut juridique de la personne privée de liberté émerge à peine qu'il se retrouve déjà confronté à des difficultés de mise en oeuvre. Ambitieux en théorie mais vide de protection dans la pratique, ce statut est inopérant et peu productif. Il ne trouve qu'une application très partielle en régime de semi-liberté et peine à s'insérer correctement en milieu fermé. Le fait est que le droit pénitentiaire décousu et essentiellement règlementaire qui lui sert d'assise s'avère lacunaire et n'offre pas de protection efficace aux personnes privées de liberté. C'est un droit qui cadre mal avec une réalité pénitentiaire respectueuse des valeurs traditionnelles et, à la fois, affectée par le poids des difficultés économiques auxquelles le pays est confronté. Ainsi, la lutte contre la misère en prison a favorisé l'entrée en lice de nouveaux acteurs qui, voulant chacun tirer parti des rapports naissants, sont devenus des nouvelles sources de régulation sociale, parfois au mépris du droit positif. De même, la prédominance de la coutume dans une société malgache restée attachée à la tradition occulte souvent la place essentielle que le législateur a voulu reconnaître au droit positif. Il faut dire que la constitutionnalisation des traités internationaux de droits de l'homme marque une volonté réelle du constituant malgache de conformer le droit positif aux exigences du droit international en matière de protection des droits des détenus, mais jusqu'à présent, elle n'a eu qu'un très faible impact en termes de justiciabilité et d'invocabilité des droits. Dans un tel contexte, le droit, tel qu'il est appliqué et interprété, rend mal compte de la réalité pénitentiaire malgache et perd de sa valeur au profit des usages qui, eux-mêmes, parviennent mal à assurer la fonction de régulation, dès lors qu'ils sont dénaturés par la pression sécuritaire de la prison et les contraintes économiques de l'enfermement. Etant entendu que ni la doctrine qui est fort critiquable, ni la jurisprudence qui est d'ailleurs quasi-inexistante, encore moins la loi qui se révèle lacunaire, ne prévoit aucune solution satisfaisante à la protection de la personne privée de liberté, l'étude se propose de réfléchir sur le procédé par lequel le statut juridique de la personne détenue pourrait être amélioré par la mise en place de règles juridiques adaptées au contexte malgache. L'ineffectivité du statut juridique de la personne privée de liberté dans une société de tradition et en développement, telle qu'elle se manifeste à Madagascar, propulse ainsi le chercheur au coeur du débat de la relativisation du droit et l'incite à admettre le pluralisme juridique, étant entendu que le droit ne peut, à lui seul, rendre compte de la réalité du champ juridique pénitentiaire. D'une part, ce pluralisme juridique invite immanquablement à ne pas mésestimer la dimension économique de la réflexion sur l'amélioration de la protection de la personne privée de liberté, dans un pays en développement où l'indisponibilité des ressources constitue un obstacle à l'application effective du des droits du détenu et où la mise en place d'une politique économiquement viable, tant pour la prison que pour le détenu, s'impose. D'autre part, ce pluralisme juridique requiert l'exploration d'autres sources traditionnelles du droit, invitant alors à revoir les valeurs identitaires qui auréolent la société et à prendre ces valeurs comme paradigme porteur de cette démarche par laquelle il faudrait désormais mener les réflexions sur la prison et ses acteurs. Ainsi, en dépit de l'inaptitude relative du droit positif, l'amélioration de la protection juridique des personnes privées de liberté n'est donc pas absolument impossible dans une société de tradition, en développement. Compte tenu du contexte dans lequel les personnes privées de liberté évoluent actuellement à Madagascar, il est essentiel que la question de l'amélioration de leur statut juridique soit abordée sous le triple point de vue juridique, économique et socioculturel ; car il s'est révélé, à l'issue de la confrontation du statut juridique conféré actuellement au détenu à la pratique pénitentiaire, qu'un statut juridique « adapté » est un statut qui tient compte des dispositions du droit international, qui concilie son contenu avec les valeurs traditionnelles sur lesquelles repose la société et qui permet de réaliser les droits des détenus progressivement et à moindre coût, compte tenu du contexte socio-économique de l'Etat qui les reconnaît et s'engage à les promouvoir.
Bibliographic reference |
Randriatavy, Lova. La protection juridique de la personne privée de liberté à Madagascar : inaptitude relative du droit positif et mise en oeuvre difficile du statut juridique des personnes détenues. Prom. : Bosly, Henri |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/158062 |