Charlier, Bernard
[UCL]
En Mongolie, parmi les éleveurs nomades de moutons, de chèvres et de chevaux, le loup est à la fois l’ennemi des troupeaux et une proie prestigieuse. Il est détesté car il peut décimer un troupeau entier sans consommer sa viande et admiré pour son intelligence. Il est aussi le chien domestique surnaturel de l’esprit maître du territoire qui possède et protège les animaux sauvages qui y vivent. Abattre cet animal n’est jamais anodin, il n’est pas tué mais « donné » par son maître surnaturel. Selon les fragments d’une idéologie bouddhiste Gelukpa, seul le chasseur vertueux peux se voir octroyer une telle proie et incorporer son fort potentiel vital (hiimor’) tant prisé par les hommes. Après la mise à mort, le chasseur attache un osselet du loup à sa ceinture. La femme d’un chasseur ne peut porter un osselet de loup car cela affecterait la force vitale de son époux. Seuls les hommes âgés peuvent porter un manteau fait en peau de loup ou boire son sang cru. Sa peau et son sang sont trop « chauds » et trop « forts » pour les femmes et les enfants. La peau peut être accrochée sur le mur nord de la yourte – le plus respecté – ou attachée sur le capot d’une jeep. La question que je pose est celle de la mise en « exposition » de l’osselet et de la peau de loup. Pourquoi ces restes de chasse doivent-ils être vus, quel point de vue créent-ils dans l’œil du « spectateur » ? Quelle est leur « agence » (Gell 1998) ? Que révèle la « mise en esthétique » de ces restes et les prohibitions qui y sont attachées, sur les conceptions du corps de l’homme de la femme, de l’aîné, de l’enfant, mais aussi du chamane ?
Bibliographic reference |
Charlier, Bernard. Porter des osselets de loups à la ceinture et fortifier sa virilité parmi des éleveurs nomades de Mongolie .Exposé la chasse ? (Musée de la chasse de Paris, 19/03/2015). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/153089 |