Lierneux, Pierre
[UCL]
Longtemps dénigrée, l'étude du costume militaire avait besoin de se fondre dans un courant historiographique régénérateur, soucieux d'intégrer les nouvelles dimensions de l'histoire militaire. Pendant longtemps, la coupe du vêtement militaire ne se distingua pas de celle du vêtement civil. Au fil du temps, les révolutions techniques et tactiques du combat ont imposé une métamorphose de la silhouette du combattant, d'où résulteraient des modifications de la coupe et l'apparition de couleurs vives, nécessaires à l'identification des troupes sur le champ de bataille. L'apparition de l'uniforme dans les Pays-Bas espagnols est attestée à la fin du 17e siècle. Elle s'est réalisée à l'instigation du comte de Bergeyck. Ce grand commis de l'Etat, efficace, ambitieux, souhaitait que renaisse dans les Pays-Bas espagnols une armée forte, bien soldée, bien habillée et bien armée. Il fallut attendre 1701 pour que l'apport financier de la France permette d'obtenir une refonte complète et une uniformisation accrue des contingents recrutés dans les Pays-Bas méridionaux. La production de l'habillement militaire resta longtemps aux mains de grands entrepreneurs, et ne fut centralisée qu'à partir du 18e siècle: dominés par la France, les Pays-Bas importaient les tenues et les matières premières pour les troupes qui y étaient levées. Parties intégrantes de l'Empire, leurs régiments furent absorbés dans une structure qui tenait compte de leur éloignement géographique. Des ateliers militaires furent à Gand à partir de 1767 au sein d'une « Commission économique». Les grands entrepreneurs qui faisaient commerce dans ce domaine ont été contraints de réduire leurs activités à la fourniture des matières premières. Celles-ci étaient réparties sur tout le territoire, selon les futurs grands bassins d'activité industrielle (Verviers (laine), Gand (coton),
), et faisaient l'objet d'une politique protectionniste. Au cours du 19e siècle, la production des uniformes fut de nouveau laissée à des entrepreneurs privés, ou aux établissements pénitenciers, jusqu'à la création du Magasin Central d'Habillement, durant les premières années du 20e siècle. L'impact de la Révolution industrielle, apparue précocement en Belgique, s'est rapidement fait sentir dans l'armée, non seulement par ses conséquences sur l'évolution de l'armement, et donc de la tactique, mais aussi de l'équipement, par le biais d'une mécanisation accrue des coupes d'habits et par l'apparition de la mode du prêt-à-porter dès avant le dernier quart du 19e siècle. Aux grandes réformes de réorganisation de l'armée et de l'armement devait correspondre les dates des grandes réformes de l'uniforme, à l'exception notable de la réforme de 1883, qui échoua devant les querelles entre le roi et son ministre de la Guerre. Qu'il soit entièrement ou partiellement payé par l'Etat, l'habillement réclamait un mode de gestion très poussé, destiné à responsabiliser le soldat et à limiter le coût de production et d'entretien. Cette économie, parfois dommageable pour la santé du soldat, n'apportait à l'uniforme aucun véritable cachet national ou fastueux. Le système de la « masse individuelle », instauré en 1819 sous le régime néerlandais, imposait de tels jeux d'écriture pour veiller à l'équité dans les comptes de chaque homme, qu'il n'était pas adapté à l'armée de masse que le ministère de la Guerre devait envisager de mettre sur pied depuis que s'affirmait, dès le milieu du 19e siècle, l'importance des effectifs dans une victoire militaire. La laborieuse transformation dura quinze années et ne s'acheva qu'en 1898. Elle permit d'assurer une mobilisation rapide et sans heurts en août 1914, tandis que les effectifs commençaient à gonfler par l'apport des premières classes de milice issues du service militaire obligatoire.
Bibliographic reference |
Lierneux, Pierre. Le costume militaire dans les Pays-Bas méridionaux et en Belgique : des origines à 1915 : histoire institutionnelle et approche socio-économique. Prom. : Balace, Francis ; van Ypersele, Laurence |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149852 |