Letesson, Quentin
[UCL]
Cette thèse se focalise sur l'architecture néopalatiale (âge du Bronze en Crète minoenne - 1600-1425 av. J.-C.) par le biais de méthodes novatrices. Le travail se scinde en quatre chapitres. Le premier développe le socle théorique sur lequel s'articule la recherche. Il définit principalement les concepts et outils de la théorie de la syntaxe spatiale. Il s'agit d'une méthode d'analyse qui, sur base de la transformation d'un plan architectural classique en un graphe spécifique, permet une approche qualitative et quantitative des propriétés topologiques de l'espace. En offrant la possibilité d'appliquer à toute manifestation architecturale un traitement graphique identique, cette méthode permet non seulement une étude comparative mais a également le potentiel de mettre en exergue certaines propriétés spatiales qui, autrement, ne se donneraient pas à voir. Afin d'étoffer l'éventail d'outils destinés à décortiquer l'architecture néopalatiale, un logiciel permettant l'analyse visuelle est mis à contribution. Intitulé Depthmap, ce programme permet de procéder à divers calculs venant corréler les résultats de l'analyse de la syntaxe spatiale. Afin de créer un pendant moins positiviste aux méthodes susmentionnées, une démarche proxémique vient s'y adjoindre. Elle a pour objet l'évaluation du cadre architectural en étroite relation avec la perception et les comportements humains. Une réflexion épistémologique clôture ce chapitre et se propose d'évaluer les méthodes évoquées, de les replacer dans le cadre général de l'évolution de la pensée archéologique ainsi que d'en épingler les faiblesses et dérives tout en proposant une démarche visant à y palier. Au sein du second chapitre, l'architecture néopalatiale en tant que telle est abordée et on s'attelle à la caractériser sous différents angles. Correspondant à l'âge d'or de la civilisation minoenne, l'époque néopalatiale voit se développer un paysage architectural foisonnant et complexe. Dans un premier temps, un bref rappel des débats le concernant est évoqué. Ensuite, les formes architecturales récurrentes sont abordées de manière descriptive, toute interprétation étant reléguée à un chapitre ultérieur. La troisième partie de ce travail consiste en l'analyse individuelle des édifices sélectionnés. De l'Ouest à l'Est de l'île, chaque structure architecturale dont la conservation permet l'application des méthodes d'analyse est envisagée dans une démarche systématique. Chaque édifice est tout d'abord brièvement décrit, on évoque son contexte d'implantation, les principales interrogations qui le concernent et les interprétations qu'en proposèrent les fouilleurs. Sur base de ces derniers éléments, les bâtiments sont alors dotés d'un plan simplifié n'évoquant que le tracé des murs, les ouvertures qu'ils comprennent et les escaliers mettant les différents étages en communication. Ces plans servent ensuite de canevas principal pour l'application de l'analyse de la syntaxe spatiale et pour l'analyse visuelle par le biais de Depthmap. Dans le cadre de l'approche proxémique, les structures architecturales sont également évaluées en tant que domaine passif (évaluation de leur impact visuel sur les personnes y étant confrontées) et actif (rôle de certaines de leurs parties considérées comme théâtre privilégié de manifestations culturelles particulières). Au terme de l'analyse systématique des bâtiments constituant le catalogue de recherche, les résultats obtenus sont intégrés à une réflexion globale. Le quatrième chapitre correspond donc à l'interprétation générale, à la mise en évidence des particularités de ce vocabulaire architectural, à la caractérisation des récurrences syntaxiques de l'espace néopalatial. Dans un second temps, il propose également une évaluation des particularités de ce langage spatial en regard des nombreuses interrogations liées au fonctionnement de la société néopalatiale au sens large. L'apport principal de la recherche tient à la mise en évidence d'un génotype architectural. En effet, bien que l'architecture néopalatiale soit caractérisée par une diversité assez manifeste (c'est-à-dire de nombreuses expressions phénotypiques), l'analyse menée à bien dans ce travail permet de repérer l'existence de récurrences topologiques. Cela signifie qu'au sein de l'éventail de bâtiments retenus dans le cadre de cette étude, la manière dont certains agencements spatiaux s'articulent les uns par rapport aux autres, le rapport entre l'intérieur et l'extérieur, les circuits de circulations potentiels, ou encore les prescriptions relatives à l'implantation de tel ou tel type de pièce ou espace de transition présentent une redondance structurelle qu'un simple examen visuel d'un plan classique ne permet pas de déceler. Alors que les spécialistes peinent souvent à s'accorder sur la définition ou la caractérisation de tel ou tel exemple architectural, ce travail tend à souligner l'importance d'envisager l'architecture néopalatiale sous un angle différent. En effet, afin de palier aux classements typologiques traditionnels et restrictifs, l'existence d'un génotype plaide en faveur d'une approche considérant les exemples architecturaux comme existant au sein d'un continuum. Il s'agit donc plutôt d'évaluer les édifices néopalatiaux en fonction de leur adéquation au génotype mis en évidence et dont les palais sont probablement la cristallisation la plus aboutie. Par le biais de cette analyse structurelle, forme et fonction sont également mises en question. Bien qu'une étude de l'architecture néopalatiale - et par extension de la société en étant à l'origine - nécessite évidemment le concours d'approches différentes, l'analyse menée à bien dans ce travail vise donc essentiellement à en proposer une nouvelle grille de lecture. / This Ph.D. applies an innovative methodological approach to the study of neopalatial architecture (Bronze Age of Minoan Crete - 1600-1425 BC). The work is divided into four chapters. The first develops the theoretical background of the research, principally the concepts and tools of space syntax theory. This analytical method transforms a standard architectural plan into a specific graph (a j-graph) which allows a qualitative and quantitative approach to the topological properties of space. This methodology can be applied to any architectural structure and has the potential to highlight spatial characteristics which would otherwise remain less obvious or even hidden. The visual analytical tool box is further strengthened by Depthmap software, which, through various calculations, creates color-ranged maps that correlate and present the results of the space syntax analysis. In order to compensate for the positivist character of the aforementioned methods, a proxemic approach has also been developed, focusing on the study of architectural context through human perception and behaviors. This chapter ends with some epistemological remarks concerning these research methodologies. These are considered within the wider framework of the evolution of archaeological thought and their weaknesses and biases are pinpointed in order that they might be minimized or avoided. In the second chapter, neopalatial architecture is approached and described. Considered as the golden age of the Minoan civilization, the neopalatial period sees the development of a rich and complex architectural landscape. A brief summary of the debates surrounding its study is presented, followed by a description of the most common architectural forms. The third chapter deals with the analyses of the selected buildings, which are spread across the island, from west to east Crete. Every architectural structure, whose preservation was sufficient to allow an application of the proposed methodologies, was analyzed. First each building is described, its topographical context is discussed and its interpretation is summarized. On the basis of this, each building is reduced to a simplified plan (wall layout, openings and stairways), which becomes the main framework for the application of the space syntax analysis and Depthmap visual analysis. Within the proxemic approach, architectural structures are studied as domains that are passive (assessment of their visual impact) and active (function of certain of their parts being considered as privileged theater for cultural representations). Finally, the results of this analysis are put in a wider context. The fourth chapter concerns general interpretation, outlining the peculiarities of neopalatial architectural vocabulary and characterizing the syntactic recurrences of neopalatial built space. This chapter also appraises the special features of this spatial language with reference to broader questions associated with the archaeological study of neopalatial society. The main contribu...
Bibliographic reference |
Letesson, Quentin. Du phénotype au génotype : analyse de la syntaxe spatiale en architecture minoenne (MM IIIB - MR IB). Prom. : Driessen, Jan |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149851 |