Goriely, Serge
[UCL]
L'objet de la recherche est de proposer une réflexion sur l'oeuvre théâtrale de René Kalisky à partir d'une analyse dramaturgique approfondie. Malgré leur apparente hétérogénéité, tant formelle que thématique, les dix pièces que Kalisky a écrites entre 1968 et 1981 se ressemblent toutes sur un point : elles traitent de l'histoire. De plus, elles s'inscrivent, peu ou prou, dans une recherche déclarée de Kalisky d'améliorer sa technique d'écriture et de développer sa propre dramaturgie. Toutefois, l'analyse dégage un invariant sur le plan dramaturgique: les personnages, en réaction à un événement premier (personnel ou/et historique), se trouvent confrontés à un jeu de représentation de ou à partir de cet événement premier. Cette particularité pourrait sembler secondaire, pourtant, chez Kalisky, elle définit rien moins que la dynamique du texte théâtral; l'acte de jouer détermine le personnage dans sa capacité à réagir à l'événement et à fonder sa réalité par rapport à lui. Les personnages se voient amenés, selon les cas, à assister à une représentation, à y jouer, voire même à l'organiser. Globalement, une évolution se révèle au fil des pièces : les personnages sont d'abord spectateurs (Trotsky, etc.), puis acteurs contraints (Skandalon, Jim le téméraire, Europa) mais qui acquièrent plus tard du pouvoir (Le Pique-nique de Claretta, Dave au bord de mer) jusqu'à devenir les maîtres d'oeuvre de la représentation (La Passion selon Pier Paolo Pasolini, Sur les Ruines de Carthage, Falsch) ou à prétendre l'être (Aïda vaincue). Cette mise en lumière de l'importance du jeu dans la dramaturgie de Kalisky ouvre sur un vaste champ de réflexions. Elle souligne la dimension profondément ludique recherchée par l'auteur : jeu avec le théâtre (le jeu dans le jeu), jeu avec les références (historiques, culturelles, littéraires,...), jeu avec l'acteur lui-même (devant jouer un personnage cherchant à jouer). De même, elle confirme l'approche résolument tragique de l'histoire, tout en reconnaissant une profonde originalité dans son traitement : Kalisky oppose une fatalité aveugle, incarnée ici par des événements terribles comme la Shoah, à la liberté et la force de résistance de l'homme allant chercher au fond de l'histoire de l'humanité, dans ses mythes et dans les écritures saintes, les ressources nécessaires pour se représenter autrement le monde et ainsi amortir ou contrer le sort qui le foudroie ou le menace.
Bibliographic reference |
Goriely, Serge. Une dramaturgie de René Kalisky. Prom. : Florence, Jean |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149849 |