Tholbecq, Laurent
[UCL]
Trois approches ont été conjuguées pour aborder l'étude du sanctuaire nabatéen : la philologie, l'archéologie et l'histoire des religions. Après s'être employé à discuter les sources et les problèmes méthodologiques posés par leur utilisation, la conception nabatéenne de l'espace sacré a été abordée à travers l'étude du vocabulaire religieux (notions générales, éléments constitutifs et objets de dévotion). Il est tout d'abord apparu que la notion de socle, de support, était au moins aussi importante que celle de la délimitation de l'espace inviolable. Il a d'autre part été constaté que le lexique nabatéen était perméable au grec, sans qu'il soit pour autant possible de saisir le cadre de ces emprunts ou d'en inférer quoi que ce soit en terme d'impact culturel. Le contexte concret dans lequel s'inscrit le culte rendu au bétyle a ensuite été étudié, tant dans ses exemples rupestres (Pétra, Hégra) que construits (catalogue des sanctuaires du sud syrien au nord-ouest de la péninsule arabique). Les sanctuaires rupestres nabatéens s'inscrivent sans difficulté dans les cadres plus généraux du sanctuaire sémitique : s'y retrouvent les plate-formes cultuelles, les lieux de culte associés à une source et les sanctuaires organisés autour d'une cour ; les tendances à l'axialité observées dans les sanctuaires rupestres du Proche-Orient hellénistique et romain sont également notées. La double vocation du sanctuaire a ainsi été définie : fournir les éléments utiles au rituel (niche, socle, bassin, autel) et assurer l'accueil des fidèles (esplanade, salles de banquet). Dans le domaine construit, la production architecturale apparaît dès le milieu du 1er s. av. J.-C. et se poursuit jusqu'à l'époque sévérienne au moins. Dans l'état actuel des connaissances, cette tradition architecturale se manifeste moins par une évolution linéaire qui n'est qu'exceptionnellement perceptible, que par l'utilisation récurrente d'éléments constitutifs essentiels, par ailleurs présents dans le domaine rupestre. Une des avancées majeures de cette thèse fut donc la découverte, à côté d'un substrat sémitique fondamental, d'une donnée étrangère servant de dénominateur commun au catalogue : il a ainsi été établi que des modèles architecturaux égyptiens de tradition pharaonique d'époque ptolémaïque et postérieurs à l'annexion romaine (dernier tiers du 1er s. av. J.-C.) constituaient l'élément unificateur d'un catalogue en apparence hétérogène. Il est par ailleurs apparu à travers l'étude du vocabulaire administratif nabatéen que cette familiarité entre le monde nabatéen et la tradition lagide s'exprimait également dans le domaine politique. L'état de la documentation ne permet pas à ce stade d'envisager une étude probante de la diffusion géographique des cultes, pas plus que d'établir un lien entre une divinité et un type de sanctuaire particulier. Mais des avancées décisives ont été réalisées en matière de rituel, replacé dans le contexte élargi du monde sémitique. Ainsi, la vie du temple nabatéen paraît réglée sur un calendrier régulier des offices, par les repas communautaires et la présence d'un clergé. Il convient d'y distinguer le service ordinaire du temple des rituels festifs, ainsi que les rites internes, réalisés par le personnel ad hoc connu par les inscriptions, des rites participatifs s'adressant au plus grand nombre. On s'est ensuite placé du point de vue de la communauté. Sans surprise, les dédicants appartiennent majoritairement aux élites religieuses, civiles ou militaires. Les dossiers épigraphiques les plus riches attestent de l'influence de grandes familles locales, peut-être héréditairement attachées aux services d'un sanctuaire. En revanche, on ignore si le roi assumait une charge sacerdotale. Ainsi, une fois esquissée la mise en place progressive d'un cadre religieux monumental par l'entremise des élites, ce travail conclut à l'importance du sanctuaire nabatéen comme élément moteur de structuration sociale et lieu d'expression du pouvoir politique. ...
Bibliographic reference |
Tholbecq, Laurent. Le temple nabatéen : chronologie, architecture et religion : étude des origines, des modèles et de l'évolution du sanctuaire en milieu sémitique (IIe s. av. J.-C. - IVe s. ap. J.-C.). Prom. : Donceel, Robert |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/149806 |