Heering, Caroline
[UCL]
S’il est un lieu et un temps propices au déploiement de décors végétaux c’est bien celui des festivités éphémères : le feston, issu du latin festa, apparaît en effet comme « l’ornement de la fête » par excellence. Ancré dans une tradition ancestrale, le recouvrement d’un support (qu’il soit un homme, un lieu, une image) par un décor végétal (qu’il soit une couronne, une guirlande, un feston, etc.) relève d’un acte honorifique, riche de significations, permettant de métamorphoser son porteur. Cette pratique atteint, au sein des festivités éphémères modernes, une ampleur toute particulière et recouvre des enjeux propres qu’il convient d’étudier non seulement d’un point de vue symbolique, mais aussi du point de vue des modalités de sa mise en scène et de ses effets. Cette communication se propose d’appréhender ce phénomène à travers l’étude d’un corpus encore peu exploré, celui des festivités éphémères jésuites dans les Pays-Bas méridionaux, au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Nous nous baserons en particulier sur les relations manuscrites des festivités de 1622, consacrées à la canonisation d’Ignace de Loyola et de François Xavier, et de 1640, célébrant le centenaire de la Compagnie, en nous concentrant plus précisément sur le décor de l’église jésuite d’Anvers. Les relations de ces festivités nous décrivent le sanctuaire comme entièrement métamorphosé, recouvert par un décor textile et végétal : feuilles de palme et de lierre, grenadiers, roses, fleurs tressées, disposées en feston ou en bouquet, se mêlent à des végétaux artificiels, « réalisés avec art, mais rivalisant avec la nature », composés de papier, de lin, de cire, ou encore d’or et d’argent. Si le décor végétal participe pleinement du programme iconographique conçu par les jésuites, en symbolisant la vitalité et la jeunesse de la Compagnie, il faut aussi lui rendre sa valeur performative : de l’artificialisation de la nature à la naturalisation de l’artifice, les descriptions de ces décors nous projettent dans un univers où la nature et l’art se rejoignent et se confondent pour créer l’espace-temps de l’éphémère et plonger le spectateur dans une expérience multi-sensorielle. La confusion entre les registres naturels et artificiels de ces décors nous amènera aussi à interroger les jeux et les liens, voire les influences, entre ces décors végétaux éphémères et les décors végétaux permanents de l’architecture, d’autant que les documents iconographiques qui en rendent compte sont des gravures – un médium qui uniformise et aplatit les distinctions que la peinture pourrait marquer entre le décor éphémère de l’architecture et son décor végétal pérenne.
Bibliographic reference |
Heering, Caroline. Les décors végétaux dans les festivités jésuites : de la nature à l’artifice et de l’éphémère au permanent .Éphémère et pérenne : l'ornementation végétale dans les décors à la Renaissance (Tours, du 12/06/2014 au 13/06/2014). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/138721 |