Degand, Martin
[UCL]
Bardiaux, Alice
[UCL]
Tout travail de traduction pose de nombreuses questions méthodologiques complexes (Ballard 2009, Ost 2009). L’éloignement temporel des langues anciennes rend non seulement ces questions d’autant plus saillantes, mais laisse également penser que des réponses spécifiques doivent y être apportées. Cette communication vise à définir les spécificités liées à la traduction des langues anciennes vers les langues modernes, à identifier les difficultés propres qui en découlent et à proposer des pistes théoriques et méthodologiques pour y répondre. Nous identifions deux niveaux de spécificités dans la traduction de textes antiques. Le premier niveau est linguistique (lexical, syntaxique, grammatical, textuel). Les textes antiques sont rarement établis de façon certaine (cf. la présence d’apparats critiques). Par ailleurs, à la différence des influences réciproques entre langues modernes, le latin, tout en demeurant l’une des ressources principales pour la création de néologismes, n’évolue plus sous l’influence de langues étrangères et du jeu des traductions. Son caractère figé – la production contemporaine de textes latins étant plus que limitée – conduit à une multiplication des traductions, voire des re-traductions, et au développement d’un large réseau intertextuel (Darbellay 2005) dans lequel devra s’intégrer toute nouvelle traduction. Notre propos se concentrera sur le français en tant que langue cible. Des réponses aux difficultés posées par cette situation de traduction spécifique seront recherchées notamment à travers une comparaison des traductions vers d’autres langues cibles. Le second niveau est extralinguistique (pragmatique, sociolinguistique, culturel). Toute traduction recrée une situation de communication (Pergnier 1993). Dans cette mesure, nous proposons d’analyser les processus de traduction de textes antiques à la lumière des théories sociolinguistiques (Fishman 1965, Labov 1972, Blanchet 2000) et, en particulier, de l’ethnographie de la communication et du modèle SPEAKING de Hymes (1972). Nous analyserons en quoi les paramètres de la situation de communication originelle et ceux de la situation recréée par la traduction peuvent être mobilisés pour poser des choix de traduction (House 1997, 2006). Le poids des paramètres des deux niveaux de spécificités de la traduction de textes antiques sera évalué et leur articulation sera mise en évidence afin de montrer leur influence réciproque. Dans ce cadre théorique, nous questionnerons particulièrement la problématique du public cible – la distance entre les publics antiques et modernes est patente – ainsi que l’épineuse question des acteurs de la communication dans la situation antique (et de sa transposition moderne). Cette réflexion théorique sera illustrée à la faveur d’un corpus particulier : d’une part, le plus long traité moral de Sénèque, le De beneficiis, et d’autre part des lettres à Lucilius. Ces écrits sont particulièrement pertinents pour notre propos dans la mesure où ils mettent tous les deux en oeuvre un cadre communicationnel particulier. Chacun à sa manière entretient un jeu dialogique où plusieurs figures interviennent : Sénèque, son dédicataire (Aebutius Liberalis), un aduersarius fictus, un destinataire explicite (Lucilius) et des desinataires implicites (lectorat de l’époque). Nous poserons la question d’une influence de cette particularité sur le processus de traduction.
Bibliographic reference |
Degand, Martin ; Bardiaux, Alice. Traduction des textes antiques : analyse sociolinguistique et pragmatique.Latin Linguistics (Rome, du 20/05/2013 au 25/05/2013). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/129241 |