Roland, Lee Christopher
[UCL]
Les limites et les définitions portant sur la réalité physique des territoires font rarement consensus. Mais peut-on encore agir struc¬turellement sans les objectiver, sans pleinement décrire les dynamiques qui conditionnent et qui ont conditionné notre inscription spatiale — de nos pratiques in situ à nos rapports avec l’écosphère ? Aujourd’hui, peu d’éléments concourent à une telle descrip¬tion. Car, faute de parvenir à prendre en charge le caractère réticulaire des phénomènes abordés ainsi que la diversité des acteurs impliqués, les représen¬tations de cette réalité se bornent à des référentiels dont la spatialité constitue à l’origine une abstraction : les limites institutionnelles des territoires administrés. L’objectivité et le caractère opérant de ces limites ne sont pourtant pas toujours avérés. Il y a même lieu d’affirmer qu’elles sont carrément inadéquates lorsqu’il s’agit d’étudier certains phénomènes tels que la mobilité des personnes, les flux biologiques ou les concur¬rences économiques. Pour cause, en ramenant les problématiques traitées à une abstraction géographiquement située du social, ces limites s’empê¬chent de traiter les configurations mêmes de ces phénomènes ; elles les marginalisent et les fragmentent en dépit de leur nature systémique. Au sein d’un monde clos dont l’économie est fondée sur la mise en concurrence de surfaces circonscrites par ces limites, de telles difficultés sont identifiables in omni loco. Leur traitement est par ailleurs délicat puisqu’il oppose en permanence la description et l’interprétation, l’objectivité scienti¬fique et la performativité du discours socialement et culturellement orienté. Construire une écologie demande néanmoins de saisir ex ante ces phénomènes fragmentés et marginalisés, de dépasser les logiques de surface propres à l’administration des territoires pour s’intéresser aux formes in situ. L’enjeu est donc à proprement parler épistémologique : il renvoie aux concepts, aux méthodes et aux moyens de représentation qui interviennent dans notre appréhension du réel. Il suppose que l’on interroge le statut géopo¬litique et culturel des spatialités étudiées, mais aussi sur les rapports qu’elles entretiennent, à plusieurs échelles, avec d’autres typologies socio-spatiale. À ce titre, il est utile de clarifier l’opposition naturel artificiel, mais aussi d’accorder une attention accrue aux éléments qui surdéterminent notre compréhension de la spatialité, à savoir les échelles, les performatifs et les cadres qu’on lui associe. Répondre à un tel enjeu passe inévitablement par un exercice de description. Afin de garantir son objectivité, nous le voulons non normatif et spatial, et donc empirique. Cet exercice repose ainsi sur un choix : celui du cas d’étude, en l’occurrence l’agglomération bruxelloise. Ce choix est arbitraire. Néanmoins, les caractéristiques morphologiques de cette agglomération et la connaissance que nous en avons constituent des facteurs qui le rendent légitime. Par le biais de cette description, il s’agit de montrer que la compréhension des réalités spatiales — et donc, leur gestion — repose sur la production d’un savoir spécifique qui se détache tant de l’urbanisme institu¬tionnel, que des mécanismes qui fondent actuellement l’aménagement du terri¬toire et la gestion de l’environnement. Cette description est donc un préalable à la planification ; elle identifie les cadres spatio-temporels et épistémolo¬giques qui y président. Elle postule que l’espace habité n’est pas que le produit physique de pratiques socioculturelles, mais bien un objet de connaissance sur base duquel se construisent nos consciences individuelles et collectives. En d’autres mots, de la saisie de cet espace dépend un projet de société responsable.
Bibliographic reference |
Roland, Lee Christopher. Rapport d’activités Prospective Research for Brussels – année 3 : Bruxelles comme palimpseste, épistémologie d'une écologie. (2012) 289 pages |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/122806 |