Agriculture régénératrice, émergence d'un concept

Lors du Sommet Action Climat des Nations Unies à New York, le 23 septembre 2019, la coalition One Planet Business for Biodiversity (OP2B) est officiellement fondée. Réunissant plusieurs des plus influentes firmes agroalimentaires mondiales telles que Danone, Nestlé, Unilever, Mars et Yara, celle-ci déclare avoir pour ambition la promotion d’un concept largement méconnu de la communauté des agronomes : l’agriculture régénératrice. Afin de clarifier les tenants et aboutissants de ce nouveau concept, le mémoire présenté ici se donne pour objectifs de répondre aux trois questions suivantes : Qu’est-ce que l’agriculture régénératrice ? Comment expliquer l’émergence récente de ce concept ? Quelle est la pertinence de ce concept dans une optique de transition des systèmes alimentaires ? À travers une approche globale combinant des procédés d’analyses bibliométrique et sémantique ainsi qu’une revue complète de littérature, le mémoire éclaircit l’état actuel du concept d’agriculture régénératrice. Il met en évidence la légèreté de ses fondements scientifiques, ainsi que la diversité des interprétations qui le constituent. Le processus de construction du concept est décrit comme le rapprochement de trajectoires initialement indépendantes adoptant une même appellation pour décrire un paradigme d’innovation commun. L’efficacité du discours développé en termes de fédération d’acteurs est évidente. Cependant, les revendications des défenseurs du concept concernant le changement climatique et le développement durable sont en contradiction avec les connaissances scientifiques actuelles. Les principales recommandations proposées à ce stade sont une clarification de la terminologie, une adaptation du discours aux connaissances actuelles et l’intégration du concept dans une vision plus large de la transition des systèmes agricoles. L’influence mondiale des acteurs qui adoptent aujourd’hui la vision de l’agriculture régénératrice justifie qu’une attention toute particulière soit portée à ce concept par la communauté scientifique. Bien que les fondements scientifiques du concept soient discutables, celui-ci pourrait éventuellement représenter une opportunité de mise en mouvement des acteurs des systèmes alimentaires dans une direction positive en matière de respect de l’environnement.