Mahieu, Luc
[UCL]
Hambye, Philippe
[UCL]
Ce travail explore la problématique des résistances conservatrices autour des projets de réforme de l’orthographe française. Comment se manifestent-elles ? Quels en sont les fondements ? Et surtout comment comprendre la prégnance de ces attitudes conservatrices ? Poser ces questions invite inévitablement à s’interroger sur le discours puriste largement convoqué pour justifier un conservatisme dans la question orthographique. Ce purisme est entendu comme un imaginaire essentialiste de la langue fondant un ensemble d’attitudes normatives fortes, caractérisées par un refus de la variation et un respect le plus absolu des normes établies. Permettant de naturaliser la norme de référence et, partant, de légitimer le profit symbolique tiré de sa maitrise, ce purisme a pour conséquence une sujétion du locuteur face à langue, ce que Bourdieu appelle une dépossession de son propre langage. Après avoir décrit les représentations et attitudes conservatrices autour de l’orthographe, ce travail explore différentes raisons de la prégnance de l’imaginaire puriste. Tout d’abord, un large retour sur l’histoire de la langue française et des conditions de son élaboration permet de dégager l’intime entrecroisement de cette histoire avec l’imaginaire puriste, mobilisé pour ériger le français comme langue de référence et pour légitimer la position de groupes la maitrisant. Ensuite, ce travail relaie trois pistes d’explication pour comprendre, au-delà de l’histoire de langue et du purisme, la prégnance de ce dernier dans les représentations conservatrices autour de l’orthographe : la probable insuffisante prise en compte de la force des groupes particuliers n’ayant pas intérêt, à l’instar de la bourgeoisie du XIXe siècle, à ce qu’une norme légitimatrice de leur position sociale soit ainsi remise en question par des projets de réforme ; l’émergence d’un purisme spécifique à la communication écrite sur Internet (synchrone, polygale, faisant rencontrer de façon inédite des scripteurs aux attitudes et pratiques divergente) ; les conséquences du discours propre à l’expertise linguistique aux formes et présupposés pouvant renforcer ce purisme, et ce, principalement dans deux de ses éléments définitoires : la conception fixiste et la compréhension unanimiste de la langue qui escamotent les conditions conflictuelles de définition du légitime et de l’illégitime. Le travail se conclut avec une rapide enquête sur les effets du spectacle La Convivialité qui entend « permettre au public de s’autoriser un discours critique sur l’orthographe et de s’interroger sur ses enjeux démocratiques ». Si l’on note une influence notable permettant une acceptabilité augmentée de propositions concrètes de réforme orthographique (simplification des doubles consonnes par ex.), différents éléments de l’enquête peuvent laisser à penser que le spectacle n’induit ni nécessairement une remise en cause de la sujétion à la norme ni une appropriation de la question orthographique comme une question légitimement politique. Indice d’un purisme préservé au moins en partie ?


Bibliographic reference |
Mahieu, Luc. Purisme linguistique et conservatisme orthographique : à qui la faute ? Facteurs explicatifs de la prégnance du purisme dans les représentations de l’orthographe française. Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, 2018. Prom. : Hambye, Philippe. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:14228 |