Agino Foussiakda, Cécilia
[UCL]
Claire Gavray
[ULiège]
Les viols que subissent les femmes à l’Est de la République Démocratique du Congo sont accompagnés par une suite des traumas, rejets, étiquetages, etc. Les croyances stéréotypées de l’honneur masculin provenant de la culture et de la société patriarcale sont souvent à la base de l’échec de la réinsertion sociale des victimes des violences sexuelles après le viol, ou la prise en charge dans les structures spécialisées. En dépit de ce déshonneur, certains hommes parviennent à continuer leur vie conjugale avec leurs épouses violées, avec ou sans enfants issus de cette barbarie. J’ai mené une étude qualitative dans le territoire de Kalehe en Province du Sud-Kivu, afin de comprendre ce qui serait à la base de la continuité de la vie en couple conjugal. J’ai interviewé 8 couples en prenant soin de séparer les femmes de leurs maris pendant l’entretien, pour éviter toute interférence. Les résultats montrent que mes répondants mettent en place des mécanismes de survie en couple qui ne sont pas pensés, ni planifiées au préalable. Nombreux facteurs sont à la base de la réinsertion, ou ce que j’appelle l’acceptation symbolique des femmes dans le couple. Il s’agit notamment de l’apport de la communauté en conseils, de l’incapacité des hommes à s’occuper des enfants en l’absence de leurs épouses, de l’acceptation de la polygamie par les femmes comme mécanisme palliatif au divorce, et de l’émasculation de certains hommes qui auraient été eux-mêmes victimes de violences sexuelles. Nombreux hommes se sont réfugiés dans l’alcool et continuent à exercer des violences verbales et psychologiques sur leurs femmes et d’autres ont recouru à la polygamie. Certains autres, cependant, se sont sentis incapables d’épouser une deuxième femme par manque de moyens financiers, ou parce qu’ils sont devenus sexuellement impuissants par suite du viol. L’étude a montré que les enfants issus du viol constituent au départ un élément perturbateur de la réinsertion de leurs mères en couple. Néanmoins, les filles semblent être mieux acceptées que les garçons à cause du fait qu’elles peuvent être utilisées dans les travaux ménagers ; et à cause du fait que si elles se mariaient leurs pères recevraient la dot. Les garçons quant à eux, en dépit du fait qu’ils sont utilisés comme une main d’œuvre en paissant le bétail, ils sont considérés comme un danger potentiel car on les compare à leurs pères biologiques, les bourreaux. L’étude a démontré que malgré la réinsertion physique des femmes dans les couples, elles subissent une seconde vague de violences, fruits de la socialisation masculine hégémonique. Physiquement, ces femmes sont en couple, mais elles sont sous la domination masculine et ne sont pas effectivement épanouies. Ainsi donc, dans pareilles circonstances, un accompagnement économique des femmes est nécessaire pour garantir leur autonomie.


Référence bibliographique |
Agino Foussiakda, Cécilia. Stratégies de réinsertion familiale des survivantes des viols au Sud-Kivu face au déshonneur : Une lecture genrée. Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, 2020. Prom. : Claire Gavray. |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:26577 |