Les enjeux des Grandes Puissances dans l'Arctique. Des perspectives pour l'Union européenne ?

L’Arctique connait aujourd’hui une mutation sans précédent. La fonte des glaces et les conséquences du changement climatique ont conduit les grandes puissances à développer un intérêt particulier pour cette région polaire. L’enjeu n’est plus seulement climatique ou environnemental, mais également économique et stratégique. Suite à la réduction de la banquise, des nouvelles perspectives économiques et maritimes voient le jour, principalement en matière d’exploitation des ressources naturelles et de navigation. Les nouvelles perspectives économiques découlant du réchauffement climatique ont conduit les États riverains – ainsi que de nombreux autres pays – à faire de l’Arctique une des priorités de leur politique étrangère. L’Arctique s’affirme désormais comme une nouvelle frontière des relations internationales. Au milieu des années 1990 – notamment suite à l’éclatement de l’URSS – l’intérêt croissant des puissances régionales va se concrétiser par la mise en place du Conseil de l’Arctique (1996). Il s’agit d’un forum intergouvernemental dont les membres sont le Canada, la Russie, les États-Unis, la Norvège, l’Islande, ainsi que plusieurs États membres de l’Union européenne : le Danemark (via le Groenland), la Suède et la Finlande. L’Union européenne (UE) est, elle, liée à la région arctique par une combinaison d’éléments historiques, géographiques, économiques et scientifiques . Toutefois, dans les années 1990, l’implication de UE n’est que secondaire et il faudra attendre les années 2007-2008 pour que l’Arctique figure parmi les priorités de la politique européenne. L’année 2008 fut charnière et l’UE commença à fortement se mobiliser pour être mieux informée sur la région et ses enjeux. Au sein même des instances européennes, cela s’est traduit par une volonté d’orienter spécifiquement le débat vers les affaires arctiques. L’UE, en tant qu’acteur régional, a la possibilité de faire valoir ses atouts si elle s’en donne les moyens. Pour ce faire, l’UE va s’engager davantage dans la région afin d’être perçue comme un acteur arctique légitime, voire une puissance régionale. Cela souligne sa volonté d’étendre son influence vers des régions périphériques et émergentes (stratégie de conquête). Bien que beaucoup de questions arctiques ne soient pas si récentes sur la scène internationale (ex : enjeux sécuritaires pendant la Guerre froide), l’intérêt concret de l’UE est très récent. La réflexion au cœur de notre exposé sera orientée autour de plusieurs questions. Comment expliquer l’intérêt plus prononcé de la part des grandes puissances pour les enjeux arctiques depuis quelques années ? Pourquoi l’UE a attendu l’année 2008 pour s’intéresser de manière concrète à la région ? Dans quelle mesure l’UE détient une légitimité arctique alors qu’il existe déjà de nombreux mécanismes de coopération régionale ? Le processus d’élaboration d’une politique arctique européenne comporte de nombreux obstacles. En résumé, dans le cadre de cette étude, nous allons étudier les enjeux qui sous-tendent l’engagement des puissances régionales et internationales dans la région polaire. Pour ce faire, nous allons tout d’abord rappeler la dimension géographique de l’Arctique, ainsi que les réalités régionales et du terrain. Après ce premier chapitre, nous étudierons plus en détail les enjeux environnementaux, économiques et stratégiques qui sont à l’origine de cette course au Grand Nord. Ensuite, nous étudierons l’évolution, l’élaboration et la mise en place de la politique arctique européenne, ainsi que les raisons qui sont à l’origine de sa mise en œuvre de manière spécifique. Enfin, nous terminerons l’exposé en analysant les implications de la position européenne dans une perspective régionale, et finalement, davantage globale. Une question particulière sera abordée dans cette optique : quelles relations Bruxelles entretient avec le Conseil de l’Arctique, nouvel organe de coopération intergouvernemental et qui comprend eu son sein de nombreuses puissances ?