Belle du Seigneur, un roman postmoderne ? Étude du temps, de l’espace et du comique dans l’œuvre d’Albert Cohen

Nous étudions "Belle du Seigneur" d’Albert Cohen dans la perspective d’en analyser la postmodernité. Après avoir défini ce que nous entendons par « postmodernité », nous étudions trois aspects de l’œuvre : son usage postmoderne des temps ; la tension géographique entre l’Orient et l’Occident ainsi que le comique. Le temps du roman est en tension entre une temporalité sacrée, juive et cyclique, et une temporalité occidentale, fragmentée et sclérosée, avec la montée de l’antisémitisme nazi en toile de fond. L’espace du roman, l’Occident, apparaît comme une terre d’exil, bien éloignée de l’Orient natal du héros, Solal. L’Occident lui demeure étranger, impossible à habiter de façon stable, tant cet espace est fragmenté. Pourtant, il exerce une attraction forte, incarnée par le personnage féminin d’Ariane, son amante. Finalement, l’altérité profonde exprimée à travers le roman prend aussi la forme d’un comique, omniprésent dans l’œuvre, tant de la part du narrateur que des personnages et de leurs expressions caractéristiques. Parmi les différentes espèces de comique, c’est l’ironie qui domine. Notons que la polyphonie produite par les voix et pensées des différents personnages contribue encore à exacerber le sentiment d’altérité et de fragmentation. "Belle du Seigneur", chaotique et hétérogène par bien des aspects, s’avère donc être un roman postmoderne.