De Corte, Pieter
[UCL]
Leclercq, Jean
[Université catholique de Louvain]
Ce mémoire interroge la cohérence et les enjeux de la référence nietzschéenne à la Renaissance. Cette question n’assume pas chez Nietzsche un rôle périphérique, mais traverse en réalité toute son œuvre, de manière explicite ou non. Si, chez le jeune Nietzsche, cette recherche s’articule autour de la question esthétique d’une renaissance de la tragédie à travers l’esprit de la musique, elle s’élargit bien vite vers un questionnement général sur le problème des valeurs nobles, du type d’homme qui les incarne et de la culture susceptible d’accueillir une humanité exemplaire. Durant sa période wagnérienne (1869-1876), Nietzsche critique la Renaissance en lui opposant l’art wagnérien comme voie royale vers une régénérescence de la culture allemande. Aux yeux du jeune Nietzsche, l’humanisme renaissant développe une représentation idyllique de l’Antiquité et favorise une érudition purement formelle ne permettant qu’une approche superficielle de la culture antique. Cette vision évolue à partir de 1876, à l’occasion de la rupture avec Wagner. Désormais, Nietzsche envisage la Renaissance comme une tentative historique d’inversion des valeurs chrétiennes, une tentative pour faire triompher les « valeurs aristocratiques » de l’Antiquité classique. Dans la deuxième partie, nous analysons cette nouvelle conception de la Renaissance, que Nietzsche développe sous l’influence notable de Jacob Burckhardt, et nous montrons que Nietzsche confère à la Renaissance une valeur exemplaire embrassant tout à la fois le plan sociologique de la haute culture et le plan anthropologique de la constitution de l’humanité supérieure. Nous sommes amenés à distinguer plusieurs usages du mot de « renaissance » chez Nietzsche. Tout d’abord l’usage thématique, présent dès les premiers écrits du philosophe, où la question d’une renaissance de la civilisation antique se pose de façon lancinante. Ensuite l’usage historique, lorsque le terme se rattache à une période déterminée de l’histoire italienne et européenne. Enfin l’usage anthropologique, où l’épithète « renaissant » en vient à s’appliquer à des figures de l’histoire européenne en vertu de leur commune appartenance à un type humain particulier. Nous nous penchons plus particulièrement sur le cas de Napoléon Bonaparte. Celui-ci présente un intérêt double : non seulement Napoléon est l’archétype du grand homme, mais son épopée même est celle d’un « continuateur de la Renaissance ». Napoléon est aux yeux de Nietzsche l’homme d’une tâche immense : le dépassement du siècle des Lumières par le retour à la Renaissance. Là où d’aucuns ont voulu nier la dimension politique de l’œuvre de Nietzsche, nous montrons que celui-ci voit en Napoléon le préfigurateur d’une « grande politique » dont l’orientation principale est l’unification du continent européen et la fondation, sur les ruines du vieux monde, d’un nouvel ordre aristocratique capable de prendre en main le futur de l’Europe et d’enfin donner sens à l’histoire par une grande entreprise de sélection et de culture destinée à préparer l’avènement du Surhomme.


Référence bibliographique |
De Corte, Pieter. Nietzsche et la question de la Renaissance. Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, 2018. Prom. : Leclercq, Jean. |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:14298 |