Moreno Pombo, Alfonso
[UCL]
de Wilde d'Estmael, Tanguy
[Université Catholique de Louvain La Neuve]
La crise d’Ukraine marque le retour de la guerre sur le continent européen, une guerre nouvelle de caractère hybride mais une guerre tout de même. La Russie a réussi avec succès à y déployer sa “grande stratégie à travers une guerre limitée” , ce qui lui a permis d’altérer le statu quo et d’assurer le maintien de son influence sur la région grâce à la déstabilisation du Donbas et à l’annexion de la Crimée. Cette annexion ne fut pas le fruit d’une stratégie préméditée et réfléchie, elle cristallise plutôt la volonté russe de saisir les opportunités sur son voisinage. Ainsi, tout le plaidoyer et argumentaire russe autour de la question ukrainienne fut construit à postériori de son intervention, ce qui reflète le caractère quelque part opportuniste de sa nouvelle politique étrangère. Cette dernière est tout de même axée sur des principes très enracinés dans les esprits des dirigeants et de l’opinion publique, tels que l’image d’une Russie garante de la sécurité et des intérêts des “peuples russes”. Cette guerre, qui a causé près de 10.000 morts et dont l’issue est encore incertaine a accentué les divisions au sein du peuple ukrainien, majoritairement favorable à un rapprochement avec l’UE. Comment en est-on arrivé là? Comment un tel fossé s’est-il creusé? La première partie de ce travail propose une grille d’analyse des facteurs structurels inhérents aux relations entre l’UE et la Russie. Celles-ci sont marquées par une grande interdépendance économique, moteur de coopération, mais font face à des nombreux obstacles en raison d’incompréhensions mutuelles et de différences de perception. L’analyse des clefs socio-politiques s’avère riche en enseignements et permet de mieux appréhender les différentes conceptions russes en matière de politique étrangère pendant les années 1990. Cette décennie, considérée par certains comme la décennie des occasions manquées , a profondément marqué la Russie et son peuple. Le fossé entre l’UE et la Russie trouve une source d’explications en cette décennie qui s’est achevée par un avènement clé: l’arrivée de Poutine au pouvoir et avec lui l’adoption d’une nouvelle politique étrangère. Tous ces éléments apportent une tentative d’explication partielle à la crise ukrainienne. Le conflit, plus précisément étudié dans la deuxième partie a mis en exergue certaines limites de la politique oriental de l’UE et des différentes tentatives de coopération entre l’UE et la Russie. Un autre enseignement peut être tiré de cette partie, l’Ukraine est victime et complice du conflit qui la secoue. En effet, l’intervention armée russe va à l’encontre de différents dispositifs du droit international qui garantissent la souveraineté ukrainienne et l’intégrité de son territoire. De ce fait, l’Ukraine est une victime de la politique du Kremlin, irrespectueuse de l’ordre international et des normes qui le composent. Cependant, l’Ukraine a aussi une part de responsabilité dans la crise intérieure qui la secoue en raison de son incapacité à mener les réformes prévues dans le plan d’action, dans les accords d’association ou dans les autres dispositifs prévus par la Politique Européenne de Voisinage et le Partenariat Oriental. Par ailleurs, l’inconsistance et le caractère oscillant de sa politique étrangère sont aussi des éléments explicatifs de sa situation actuelle. La volte-face de Ianoukovitch demeure un exemple interpellant de cette pratique digne d’une vente aux enchères. La gestion de la crise par l’UE est également riche en enseignements. En effet, la politique des sanctions a mis en relief la difficulté des États membres à trouver un commun dénominateur face à la Russie, qui demeure un des principaux éléments de division parmi l’UE. Malgré l’union suscitée par le crash du vol MH17 autour de la politique des sanctions, celles-ci n’ont atteint leurs objectifs que très partiellement. Malgré le ralentissement économique russe provoqué par l’action conjointe des sanctions et de la baisse des prix énergétiques, les conséquences politiques n’ont pas été celles escomptées. Le statu quo demeure en Crimée, dans le Donbas, la Russie a obtenu une réforme favorable à ses intérêts en échange d’une démilitarisation partielle. Ce succès de politique étrangère s’accompagne d’un triomphe encore majeur en politique interne car les russes se sont rassemblés autour du président en réponse aux sanctions, tels qu’en témoignent les cotes de popularité du président russe. Cette guerre dans un pays du Partenariat Oriental a mis en relief les limites de celui-ci ainsi que de toutes les tentatives de coopération entre l’UE et la Russie. Pourtant, les deux acteurs sont appelés à rapprocher leurs vues sur des dossiers requérant coopération et non pas rivalité. Il s’agit de défis mutuels que les deux puissances affrontent actuellement, étant les défis humanitaires et sécuritaires les dossiers le plus important. Pour pouvoir répondre efficacement à ces nouveaux challenges, un nouveau cadre de coopération devrait permettre de dépasser les limites des tentatives précédentes. Ce nouveau cadre devrait mener à une coopération respectueuse des intérêts inhérents à chaque acteur, une compréhension mutuelle des défis et une augmentation de la confiance réciproque aboutissant sur des méthodes pacifiques de résolution de conflits. Pour y parvenir, il serait capital d’éliminer progressivement le fossé existant entre l’UE et la Russie par le biais d’une approche multidimensionnelle. En effet, la coopération gouvernementale devrait être complétée par des initiatives au niveau de la société civile et des citoyens afin de créer des liens forts à tous les niveaux. Mais avant, l’UE devra veiller à trouver un commun dénominateur face à la Russie, or à la lueur des événements en Ukraine, rien ne laisse transparaître qu’un tel commun dénominateur sera atteint aisément. Cette crise aura ainsi marqué le début d’une nouvelle ère dans les relations entre l’UE et la Russie. Qui dit crise dit opportunités, dans le cas de l’UE, l’opportunité de créer un cadre de coopération viable, car la Russie fait partie du problème mais fait certainement partie de la solution.


Référence bibliographique |
Moreno Pombo, Alfonso. Le conflit ukrainien: préface d'une nouvelle ère dans les relations entre l'UE et la Russie?. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2017. Prom. : de Wilde d'Estmael, Tanguy. |
Permalien |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:12515 |