Christianisme et altérité en contexte d'islam majoritaire : lecture théologique de l'expérience des moines de Tibhirine.

(fre) Le présent travail intitulé « christianisme et altérité en contexte d’islam majoritaire. Lecture théologique de l’expérience des moines de Tibhirine » nous montre comment, dans une Algérie encore meurtrie par la guerre d’indépendance et déchirée par des luttes fratricides, une poignée de moines cisterciens trouve le moyen - en descendant de la position haute dans laquelle les mettait l’élan colonialiste et missionnaire des débuts – de rendre l’un des plus beaux témoignages qui soient à la rencontre et au dialogue dans un contexte d’islam majoritaire. Cette expérience exceptionnelle au travers de laquelle ils ont tout donné, y compris leur propre vie – et par avance –, a résonné comme un écho au témoignage si beau d’un certain Mohammed, ce frère de l’islam qui, quelques années auparavant, aura donné sa vie pour sauver la vie à Christian de Chergé, le dernier prieur de Tibhirine. Comme quoi, la réciprocité est un facteur incontournable et inconditionnel en matière d’altérité. Celle-ci, de l’avis du Magistère, de Claude Geffré et d’autres théologiens, est fondée sur le pluralisme religieux compris comme chemin d’accomplissement de l’unique Dessein de Dieu qui est de sauver tous les hommes sans aucune distinction en son Fils Unique Jésus-Christ. L’unicité et l’universalité du Christ fondées en son Mystère - essentiellement sur son Incarnation et sur sa Passion-Mort-Résurrection – n’enlèvent rien à la valeur salvifique des autres religions. La spécificité de l’islam fait de celui-ci une religion quasi-rivale au christianisme et du dialogue une occasion de découverte et d’interpellation réciproques de deux religions sœurs appelées à s’engager dans la lutte pour la défense et la promotion des droits de l’homme. À la lumière de ces données, il s’avère pourtant que l’expérience des moines de Tibhirine, comme toute expérience humaine, reste limitée par des conditionnements socio-culturels et politiques sur lesquels le dialogue interreligieux ne saurait délibérément fermer les yeux. C’est entre autres ce sur quoi Claude Geffré insiste le plus dans sa théologie interreligieuse, appelant de tous ses vœux à ce que christianisme et islam s’interpellent réciproquement et surtout se retrouvent ensemble dans le combat pour la défense et la promotion des droits de l’homme, comme vocation et responsabilité communes.