Comment machiner l'existence autrement ? Le projet écosophique de Guattari

Le problème écologique se pose d’emblée comme « la question des questions » selon Guattari, c’est-à-dire celle du rapport entre la subjectivité et l’extériorité. Son caractère décisif s’explique par la menace totale qui pèse sur la vie dans ses trois déclinaisons (ou écologies) que sont l’environnement, le social et le mental. L’écosophie, en réaction, s’attache précisément à articuler ces trois registres autour de dimensions explicitement politiques, éthiques et esthétiques. L’enjeu écosophique, par conséquent, est double : il s’agit d’une part de constituer un mode d’appréhension de la réalité qui fasse justice à la complexité des problèmes (méta-modélisation et transversalité). D’autre part, de mettre en place des pratiques écosophiques favorisant l’apparition de subjectivités nouvelles. Nous interrogerons à notre tour Guattari en développant l’hypothèse suivante : l’écosophie est réactivée, mais demeure non réalisée. Sa réactivation s’effectue paradoxalement depuis son absence même. En effet, le manque auquel Guattari entendait donner une réponse conceptuelle nous affecte toujours. Une situation d’autant plus dommageable que l’écosophie intègre une souplesse lui permettant de faire face au « problème pernicieux » (wicked problem) qu’est la crise écologique. Pour autant, l’écosophie se trouve également non réalisée en tant que notre devenir-révolutionnaire permanent, parce qu’elle se voit contrée par un ensemble de discours prenant appui sur une individualisation (le capitalisme vert, l’éco-business). Nous passerons en revue ces différents écueils en tâchant de développer des stratégies de lutte pensées par Guattari. Nous poursuivrons donc deux objectifs : marquer l’intérêt de Guattari aujourd’hui - ce qui suppose de restituer sa thèse principale - et nous positionner sur une question de notre temps : l’écosophie est appropriée en réponse au « problème pernicieux » (wicked problem) qu’est la crise écologique.