Recommandations relatives à la gestion budgétaire d'Avocats Sans Frontières

Créée en 1992 à Bruxelles par un groupe d’avocats belges, Avocats Sans Frontières (ASF) - en néerlandais Advocaten Zonder Grenzen (AdZG) - est une organisation non gouvernementale (ONG) internationale spécialisée dans l’accès à la justice et la défense des droits humains. Ses équipes sur le terrain, soutenues par les experts du siège, poursuivent la lutte contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’Homme et, surtout, donnent aux populations les plus vulnérables toutes les chances de mieux connaître leurs droits et d’obtenir la reconnaissance des abus dont elles ont fait l’objet. L’ONG agit actuellement dans plusieurs pays : Burundi, République démocratique du Congo, Ouganda, Myanmar, Népal, Tunisie, Maroc et Tchad. Le financement d’ASF se distingue par deux types d’apports : l’apport privé constitué de dons et de cotisations et, l’apport public constitué de subsides (de différents gouvernements, de l’Union Européenne, des Etats et des fondations privées). Les ONG ont de plus en plus de difficultés à avoir accès au financement. Suite à cette difficulté, l'importance qu’elles doivent accorder à la gestion budgétaire n'est pas passée sous silence. Le système comptable et les budgets constituent aujourd’hui un outil de gestion extrêmement important et occupent une place primordiale dans la gestion de ces organisations. La question de recherche à laquelle ce mémoire a l’ambition de répondre est : “Comment améliorer le système de gestion actuellement mis en place au sein d’ASF ?”. Pour atteindre notre objectif, notre étude débute par une description de la comptabilité analytique et la gestion budgétaire actuellement mises en place au sein de l’organisation. Notre analyse de la gestion budgétaire porte sur deux niveaux : le niveau microéconomique (la gestion de projet) et le niveau macroéconomique (la gestion globale de l’association). Nous avons ensuite mis en avant les points forts et les points faibles du système actuel de gestion de l’organisation. Le système analytique d’ASF est un système intégré à la comptabilité générale qui collecte les informations. L’organisation est découpée en missions (pays d’intervention d’ASF), chacune découpée en projets mis en œuvre. Le but de la comptabilité analytique est d’identifier les consommations propres aux missions et aux projets. Cette méthode est de bonne application au sein d’ASF, les données reçues semblent fiables mais elle nécessite le respect strict du découpage en missions et en projets pour l’organisation. Étant donné que le cœur de l’activité d’Avocats Sans Frontières est la réalisation de projets, leur gestion constitue une tâche primordiale pour la survie de l’association. Pour gérer le budget de chaque projet, l’organisation utilise un outil de gestion et de contrôle, appelé « budget opérationnel ». Développé par ASF, ce dernier permet le suivi et le reporting de tous les projets d’une mission. Il sert aussi de base à la demande de trésorerie faite mensuellement au siège par les missions. Cet outil a l’avantage de donner une vue satisfaisante sur l’avancement du projet et sur la consommation du budget. Cependant, il ne permet pas d’avoir une vue du projet par rapport au financement du bailleur et sur les flexibilités qu’il octroie. Au niveau macroéconomique, le budget d’Avocats Sans Frontières est réalisé en fin d’année précédant l’exercice sur lequel il porte. La gestion de projet constitue la base de la budgétisation de l’organisation. En effet, les budgets des projets sont dans un premier temps repris dans chaque budget des missions et, dans un deuxième temps, combinés pour former le budget global de l’association. La gestion budgétaire globale mise en place par ASF réclame pas mal de temps. Qui plus est, nous avons pu constater un manque cruel d’implication des responsables des missions dans le suivi budgétaire et un manque de communication au sein d’ASF. Face à l’analyse critique du cycle budgétaire mis en place chez Avocats Sans Frontières, nous avons proposé plusieurs améliorations qui permettront de résoudre certains manquements importants et de diminuer les désavantages de la méthode actuellement utilisée. Nous nous sommes basée sur la méthode du Beyond Budgeting. Cependant, celle-ci n’est pas praticable au sein d’ASF en raison du caractère obligatoire de présenter un budget défini par la loi. Il ne s’agit donc pas dans ce cas d’abandonner le budget, mais de penser la gestion autrement. Les solutions que nous allons proposer sont basées sur la création d'équipes impliquées et autonomes, un focus sur la satisfaction des clients (bailleurs, bénéficiaires, partenaires et membres) et l’utilisation d’autres indicateurs de performance. Notre première solution consiste en une meilleure articulation du budget global de l’association. Le budget actuel ne permet pas d’avoir une vue sur la santé financière de l’organisation, ni sur les dépenses qui doivent être prises en charge par le Core Grant. Cette réarticulation du budget permettra de mieux évaluer et de mieux contrôler les dépenses de l’organisation. Au niveau du contrôle interne de gestion, ASF n’utilise actuellement que des indicateurs financiers pour mesurer sa performance : le taux de mise en œuvre des projets et les écarts entre le budget et le réalisé. Cependant, les mesures financières sont uniquement utiles pour respecter les budgets des projets et elles ne sont comprises que par les membres du département financier et du conseil d’administration. Ainsi, les mesures financières seules sont inadéquates pour guider et évaluer la performance future de l’organisation. En complément de cette nouvelle présentation du budget, un Balanced Scorecard (BSC) a été proposé à l’organisation. Selon Lorino, il y a une nécessité de « raconter plutôt que compter » au sein des ONG. En effet, basé sur les facteurs clés de succès d’une ONG dans le secteur de la coopération au développement, le but du BSC est de contrôler les résultats intangibles, comme la satisfaction des bailleurs, des partenaires et des bénéficiaires des actions. Dans un environnement complexe, le Balanced Scorecard s’est révélé être un canevas préétabli des quatre dimensions de la performance qui s’applique bien à ASF et qui répond aux objectifs d’ASF dans le temps. Son but primordial est de créer un dialogue de gestion et de véhiculer la stratégie et les valeurs partagées au sein de l’organisation. En effet, il est nécessaire que les différents acteurs contribuent, ensemble et efficacement, à la réalisation des objectifs fixés. Cet outil sera aussi une base pour mesurer et améliorer la performance de l’association. Notre étude a montré que ces deux solutions peuvent répondre aux actuels manquements de la méthode de gestion utilisée. Cependant, celles-ci doivent être accompagnées d’une meilleure implication des managers locaux et de l’ensemble du personnel. Finalement, nous restons consciente que leur réalisation pourra faire face à une résistance au changement car il est souvent difficile de remplacer les méthodes traditionnelles qui semblent efficaces.