De Bevere, Audric
[UCL]
Defraigne, Jean-Christophe
[UCL]
Dans ce travail, le développement des modèles européens d’États providence est mis en parallèle avec le phénomène d’accroissement de la mobilité des capitaux. En premier lieu, ces deux concepts sont analysés conjointement dans le cadre des Accords de Bretton Woods lors desquels il a été décidé de restreindre les mouvements de capitaux au niveau mondial, étape que nous considérons comme une condition du financement des modèles sociaux d’après-guerre. Par la suite, la libéralisation progressive des flux de capitaux fragilisera le « compromis social » dès lors qu’une part des contribuables qui finançaient en grande partie ce système aura accès à des méthodes de contournement de l’impôt. Les pertes de revenus engendrées par ces pratiques ont des effets directs en matière de politique fiscale. En conséquence, les États s’adapteront au nouveau contexte de globalisation financière. En particulier, le rôle de ces derniers est étudié ici. Certains pays ont été, et sont toujours, des complices de la finance internationale, notamment par le développement de pratiques fiscales attrayantes qui leur assurent des revenus résiduels. D’autres ont adopté des positions plus ambiguës, tantôt favorables à l’internationalisation financière en cours, tantôt opposées à celle-ci. Plus spécifiquement, l’analyse des politiques d’États providence tels que la France, l’Irlande, ou encore les pays du Benelux est intéressante tant ces pays seront à de multiples reprises acteurs de l’accroissement de la mobilité des capitaux. Longtemps considérés comme anecdotiques, les paradis fiscaux se sont d’abord développés sous la houlette de grands États tels que le Royaume-Uni. La prise de conscience par les administrations fiscales du potentiel déstabilisateur de ceux-ci n’a lieu qu’à la fin des années 1990, soit presque 40 ans après l’apparition des premiers mécanismes de type offshore. Pourtant, bien avant cela, Keynes théorisait la tension fondamentale qu’il existe entre démocratie et libre circulation des capitaux (Shaxson, 2012). En effet, des libertés financières émerge une forme d'asservissement : les investisseurs détiennent une sorte de droit de veto sur les gouvernements nationaux qui leur permet de décider du bien-fondé de leurs politiques et, si ce n’est pas le cas, déplacent leur argent ; « et la vie réelle de millions de personnes est ainsi déterminée non pas par leurs représentants élus, mais par ‘une bande de spéculateurs’ » (Ibid., p.56). Le premier chapitre est consacré à l’étude de la notion d’État providence sur base du modèle d’Esping-Andersen et son application dans les pays d’intérêt. Le phénomène d’accroissement des mouvements de capitaux ainsi que l’influence des États sur celui-ci est analysé dans le deuxième chapitre. Enfin, nous étudions « la crise de l’État providence » à la lumière des conclusions tirées des deux chapitres précédents, ce qui clôture la première partie. Après une analyse théorique des modèles sociaux européens et des pressions pesant sur leur financement, la seconde partie est davantage empirique. Celle-ci s’attarde sur les développements spécifiques en cours dans les pays étudiés à partir des années 1980. Les chapitres 4, 5 et 6 sont donc consacrés aux politiques fiscales et sociales mises en place respectivement en Irlande, en France et au Benelux. Enfin, la conclusion permet de déterminer le rôle des États dans les phénomènes étudiés. Y sera notamment discutée la question de leur responsabilité dans la mise en place de mécanismes d’évitement de l’impôt qui, aujourd’hui plus que jamais, mettent à mal le financement de nos systèmes de protection sociale et plus largement des services publics ; renforçant de ce fait les inégalités sociales.
Bibliographic reference |
De Bevere, Audric. Les modèles européens d’États providence face à l’accroissement de la mobilité internationale des capitaux : Étude comparative du rôle de l’État en Irlande, en France et au Benelux. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2020. Prom. : Defraigne, Jean-Christophe. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:24966 |