Maroy, Gabriel
[UCL]
Sarolea, Sylvie
[UCL]
Dès 1989 et le célèbre arrêt "Soering", la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît le principe de non-refoulement, en vertu d'une interprétation téléologique et évolutive de l'interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants, contenue à l'article 3 de la CEDH. Ce principe vise le cas de l'étranger, sous le coup d'une mesure d'expulsion ordonnée par l'État (dit de renvoi) où il se trouve, qui, toutefois, court un risque réel de souffrir de traitements contraires à l'article 3 de la CEDH en cas de refoulement dans son pays d'origine. Pareil scénario impose à l'État de renvoi une obligation négative de ne pas refouler l'étranger qui court un tel risque. Or, pour aboutir à une telle conclusion, il repose sur ce même État de renvoi une obligation positive d'examen préalable du risque de mauvais traitements, lequel appelle l'observation d'une méthodologie stricte et précise élaborée, au fil de sa jurisprudence, par la Cour eur. D.H. Des obligations internationales dont l'État belge, partie à la Convention européenne des droits de l'homme, doit s'acquitter lorsqu'il y a lieu. À la fin de l'année 2017, des "migrants en transit" d'origine soudanaise sont arrêtés sur le territoire belge, avant d'être éloignés, pour certains d'entre eux, vers le Soudan d'Omar el-Béchir et de ses services de renseignements réputés pour leurs violations graves des droits de l'homme. À la suite de ces éloignements, sont diffusés des témoignages affirmant que ces personnes ont connu la torture et des traitements inhumains et dégradants après leur arrivée à Khartoum. S'ensuit, à l'hiver 2017-2018, un scandale politico-médiatique en Belgique, qui manque de peu de faire tomber le gouvernement fédéral. En effet, l'obligation d'examen préalable issue de l'art. 3 CEDH aurait été occultée par l'Office des étrangers s'agissant des ressortissants soudanais en question, qui avaient refusé d'introduire une demande de protection internationale. L'État belge a-t-il violé, à cette occasion le principe de non-refoulement ? Quelle protection contre l'expulsion est garantie aux migrants en transit qui ne demandent pas la protection internationale ? Quel statut la Belgique réserve-t-elle aux étrangers "non expulsables" lorsque le principe de non-refoulement trouve application ? Quelles pourraient être les perspectives d'avenir autour des garanties tirées de l'article 3 CEDH, qui a vocation à protéger la dignité humaine de "toute personne" sous la juridiction d'un État partie à la Convention ? Autant d'interrogations auxquelles le présent mémoire tente de répondre, de lege lata et de lege ferenda. Celui-ci se déploie à travers trois titres, se voulant complémentaires. (i) D'abord, une étude des sources du principe de non-refoulement de l'art. 3 CEDH et de l'applicabilité de la protection qui en découle. (ii) Ensuite, une tentative de compréhension des données de fait et de droit de "l'affaire soudanaise", alimentée par un éclairage critique portant sur la violation du principe de non-refoulement par l'État belge et sur la pratique administrative de la demande "implicite" de protection internationale qui est née par la suite. (iii) Enfin, une réflexion sur les perspectives d'évolution du cadre juridique applicable aux étrangers non expulsables mais demeurant, dans la plus grande précarité, en séjour irrégulier en Belgique, à la lumière de la jurisprudence relative au principe de non-refoulement et de l'article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers.


Bibliographic reference |
Maroy, Gabriel. Le principe de non-refoulement de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme à l'épreuve des éloignements de migrants en transit soudanais par l'État belge : étude critique et perspectives. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2020. Prom. : Sarolea, Sylvie. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:24379 |