Delestinne, Pauline
[UCL]
Delreux, Tom
[UCL]
Pour expliquer le pouvoir de négociation des états membres créanciers dans la crise de la zone euro, la plupart des recherches mettent en avant leur meilleure stabilité financière et économique par rapport aux états membres plus endettés et sous pression des marchés financiers (Bernhard et Leblang, 2016 ; Brunnenmeier et al., 2016 ; Fabbrini et Puetter, 2016 ; Schimmelfennig, 2015). Cependant, de nombreux auteurs ont souligné l’importance de s’intéresser également aux contraintes domestiques auxquelles ont dû faire face ces gouvernements pendant la crise pour expliquer leurs positions dans les négociations (Bailer, 2004, 2010 ; Marsh, 2010 ; Bastasin, 2012). En effet, entre la pression de l’opinion publique des contribuables, les possibilités de référendums, la montée de la popularité des partis eurosceptiques ainsi que les potentielles limites constitutionnelles aux réformes de l’Union économique et monétaire, les gouvernements des états membres ont dû manœuvrer constamment entre le niveau national et européen pour tenter de trouver un compromis acceptable (Bailer, 2004, 2010 ; Bastasin, 2012 ; Bulmer, 2014 ; Marsh, 2010 ; Hosli, 2000). La question qui se pose dès lors est la suivante : « dans quelle mesure les ressources économiques des états membres de l’Union européenne, et les contraintes domestiques auxquels les gouvernements ont dû faire face durant cette période, ont-elles influencé le pouvoir de négociation de ces états membres lors des négociations sur les réformes de la zone euro allant de 2010 à 2015 ? » Pour répondre à cette question, le cadre théorique que nous utilisons s’appuie sur la littérature intergouvernementaliste libérale, inspirée par les écrits de Moravcsik (1998) et ceux de R. Putnam (1988) avec la logique du « Two-level Game ». Il permettra de développer deux hypothèses de recherche sur lesquelles se base ce travail, en considérant le pouvoir économique et les contraintes domestiques comme deux types de ressources qui influencent le pouvoir et le succès de négociations des états membres dans l’Union européenne. Contrairement aux attentes théoriques, aucune des variables utilisées n’a d’influence significative sur le pouvoir de négociation, et par conséquent, aucune des deux hypothèses n’a donc à l’heure actuelle pu être totalement validée ou totalement écartée. En revanche, la discussion des résultats a permis de montrer que ces résultats concordaient avec certaines constatations antérieures selon lesquelles, ces deux variables indépendantes offrent peu d’explications cohérentes et systématiques du succès de négociations. En ce qui concerne les ressources économiques, il n’est pas impossible que cela puisse s’expliquer par la dynamique de coopération et de réciprocité qui serait à l’œuvre dans le cadre des négociations au niveau européen. En ce qui concerne les contraintes domestiques, certaines recherches (par exemple, Bailer, 2006) laissent des raisons de croire qu’il s’agit d’une stratégie utilisée peu fréquemment par les états membres, et plutôt à des moments précis et dans certaines circonstances particulières. En outre, le risque d’un effondrement de la zone euro, qui aurait été couteux pour tous les états membres, même si sans doute plus pour certains, ce qui aide également à comprendre l’enjeu et la dynamique des négociations de la crise de la zone euro.


Bibliographic reference |
Delestinne, Pauline. Le pouvoir de négociation dans la réforme de la zone euro : Le rôle de la puissance économique et des contraintes domestiques. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : Delreux, Tom. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:22034 |