Étude de l'évolution des résistances aux fongicides carboxamides dans les populations belges de Zymoseptoria tritici

Le blé est la céréale la plus cultivée en superficie en Wallonie. Pour l’année 2016, le SPW renseigne une superficie de 132.085 ha emblavée avec du blé d’hiver. Chaque année en Belgique, des attaques de septoriose causée par l’agent Zymoseptoria tritici réduisent, de façon variable selon les conditions de l’année, les rendements en champs. Les stratégies de protection intégrant des programmes fongicides permettent de maintenir des rendements élevés. Le programme fongicide le plus couramment appliqué actuellement dans les champs wallons consiste en deux traitements sur la saison : un premier traitement au stade 2ième nœud à l’aide d’un produit à base de molécules de la famille des triazoles et un second traitement au stade épiaison avec une solution commerciale comprenant un mélange de molécules triazoles et SDHI (également nommées carboxamides). Les molécules SDHI (succinate deshydrogenase inhibitor) de nouvelle génération ont été introduites sur le marché des fongicides en céréales depuis une dizaine d’années et montrent une bonne efficacité sur les maladies fongiques du blé. Cependant, similairement au phénomène bien connu de résistances aux antibiotiques des bactéries en médecine, Z. tritici est capable de développer des résistances aux fongicides rendant les traitements moins efficaces. Le déclin de la sensibilité de ces organismes aux grandes familles de fongicides comme les strobilurines et les triazoles ainsi que la législation européenne stricte rendent les stratégies de protection moins flexibles et soulèvent de nouvelles contraintes dans la production de blé en Belgique. La surveillance des résistances émergentes et la compréhension des mécanismes sous-jacents permettent de guider nos choix de protection vers des itinéraires phytotechniques robustes et durables. Le niveau actuel des résistances aux fongicides SDHI a été évalué en laboratoire pour les populations de septoriose isolées de deux champs wallons et de deux saisons culturales (2016 et 2017) comparativement à une population isolée en 2008 et 2009. L’influence des programmes fongicides sur la sélection des résistances et les éventuelles mutations sur la sous-unité C du gène cible SDH (succinate deshydrogenase) a également été étudiée. Un bio-essai a été réalisé en serres afin d’évaluer les traits d’agressivité des souches de septoriose ayant un profil de résistance élevée pour connaître leur comportement dans une population non soumise aux fongicides. Les expériences ont confirmé que le niveau moyen des résistances évoluait depuis 2008. Cinq mutations au niveau de la séquence d’ADN de la sous-unité C du gène SDH – qui est la cible des fongicides SDH - ont pu être relevées. Des différences de sensibilité des souches issues de divers programmes fongicides ont également pu être démontrées. Cela nous a permis de confirmer que la diminution de la dose du produit SDHI en seconde partie d’un programme fongicide ne sélectionnait pas de résistances et diminuait même la pression de sélection. La manipulation de la dose est une tactique supplémentaire à mettre en place en parallèle avec celle des mélanges de molécules à modes d’action différents (ex : triazoles+SDHI) afin de limiter l’émergence des résistances. Des programmes ajustés selon la nuisibilité attendue et sur l’évolution du prix du blé de l’année sont donc recommandés. L’essai en serres a confirmé la diversité de comportement des souches mais n’a pu mettre en lien direct la résistance et l’agressivité des souches. Cette étude fournit les premiers résultats d’évaluation du niveau de la résistance aux carboxamides des populations belges de Z. tritici en Wallonie. Ceux-ci permettent de mettre en avant l’importance de la surveillance des résistances afin d’assurer une sécurité alimentaire et de guider nos choix dans les meilleures stratégies en matière de protection. La sélection variétale ainsi que l’utilisation de programmes fongicides efficients permettront de répondre aux défis futurs et d’assurer une production agricole durable.