Gillissen, Clara
[UCL]
Mouffe, Bernard
[UCL]
L’art est en perpétuel mouvement, il s’invente et se réinvente continuellement et se concrétise par une large variété de courants artistiques. Si le droit a vocation à appréhender adéquatement les réalités qui l’entourent, le droit d’auteur belge est pourtant manifestement en décalage par rapport à un mouvement artistique en particulier : l’art contemporain. Ces domaines sont incapables de dialoguer car sont inadaptés l’un à l’autre1. En effet, n’ayant pas récemment fait l’objet d’une adaptation, le droit d’auteur vise à protéger les œuvres respectant les critères classiques des beaux-arts, c’est-à-dire les œuvres originales et mises en forme. Or, les pratiques d’art contemporain viennent justement bouleverser les canons traditionnels d’originalité et de mise en forme. Parce que le droit d’auteur n’appréhende pas adéquatement la réalité contemporaine de l’art, il est souvent difficile de protéger juridiquement certaines œuvres d’art contemporain. Ce mémoire développera particulièrement la pratique dite de « vandalisme artistique », entendue comme une démarche artistique entreprise par un artiste-vandale visant à dégrader une œuvre d’art préexistante, à justifier ce geste comme artistique, et à considérer le résultat du geste comme étant une nouvelle pièce d’art. Toute la difficulté réside en la question de savoir si le résultat du geste porté par l’artiste-vandale est protégeable par le droit d’auteur ou éventuellement par une autre source légale. Nous baserons cette étude sur quatre faits concrets relatifs à ce phénomène de vandalisme artistique : celui de Pierre Pinoncelli qui a brisé à coups de marteau une œuvre de Marcel Duchamp ; celui de Rindy Sam laissant une trace de rouge à lèvres sur une toile de Cy Twombly ; l’acte de Mark Bridger qui a versé de l’encre dans la cuve de formol de l’œuvre de Damien Hirst et celui de Bernard Bazile qui a ouvert une des boites de l’œuvre de Piero Manzoni. Chacun des protagonistes précités est intervenu matériellement sur une œuvre d’art d’un tiers, exposée dans une galerie ou un musée. Les quatre gestes sont revendiqués comme étant artistiques, et pourtant, trois d’entre eux feront l’objet d’une plainte menant à un procès et leur auteur sera condamné pour vandalisme pur et simple sur le bien d’autrui. Seul le geste de Bernard Bazile sera reconnu comme étant artistique, et ne mènera à aucun litige. La décision des juges aurait-elle pu être différente ? À notre estime oui, car, même si cela n’apparaît pas comme tel de prime à bord, chacun des gestes a une portée artistique ; ce sont à chaque fois des gestes créateurs originaux, emprunts de la personnalité de leur auteur, ayant comme dessein de rendre hommage au travail de l’auteur vandalisé. Le résultat de ce geste doit alors être reconnu comme une œuvre d’art et une protection par le droit d’auteur doit être envisagée, mais à travers quelle figure juridique ? Etant donné que le vandale utilise une œuvre d’art comme support de création, nous envisagerons l’œuvre née de l’acte de vandalisme comme une œuvre dérivée d’une œuvre préexistante. Nous envisagerons également la liberté d’expression comme moyen juridique au secours de l’artiste-vandale. Cette démarche de vandalisme artistique n’est toutefois pas sans conséquence. Elle portera atteinte aux droits de l’auteur de l’œuvre vandalisée, de son propriétaire et/ou éventuellement de son détenteur. Nous développerons leurs moyens d’action. Nous tenterons, dès lors, à travers ce mémoire, de préciser et analyser les solutions juridiques possibles, à l’aune de la jurisprudence et de la doctrine belge et étrangère, afin de conférer à la fois une reconnaissance artistique à l’artiste-vandale et une protection de son œuvre tout en maintenant le respect des droits de l’artiste vandalisé, ceux du propriétaire de l’œuvre sur laquelle l’artiste-vandale est intervenu, et les éventuels droits du détenteur de l’œuvre. Dans un premier titre, nous analyserons, pour chacun des cas, l’œuvre d’origine, objet du vandalisme, le geste porté par l’artiste-vandale sur cette œuvre, le procès (pour les cas où il y en a eu), et les éventuelles suites du procès. Dans un second titre, nous débuterons par une analyse de l’inadéquation du droit d’auteur face à l’art contemporain, pour ensuite envisager l’originalité de l’œuvre née du vandalisme. Nous développerons enfin les conséquences juridiques du geste artistique, tant au regard des droits de l’artiste-vandale, qu’à celui des droits de l’auteur vandalisé, du propriétaire de l’œuvre et de son détenteur. Nous conclurons en mettant en lumière les solutions juridiques permettant de concilier les droits de chacun.


Bibliographic reference |
Gillissen, Clara. Le droit d’auteur confronté à l’art contemporain : les conséquences juridiques de la dégradation volontaire d’œuvres d’art. Démarche artistique ou vandalisme ?. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2018. Prom. : Mouffe, Bernard. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:15648 |