Buchter, Serena
[UCL]
Aujoulat, Isabelle
[UCL]
Aujourd’hui les processus de sécularisation sont quasiment arrivés au terme de l’expropriation du religieux de l’hôpital. Pour autant, une réappropriation du « spirituel » par le monde biomédical est décrite dans la littérature (Jobin G., 2013) : un spirituel qui est redéfini par les corps professionnels des disciplines médicales et soignantes. Cette réappropriation va de pair avec un intérêt grandissant dans les études médicales et soignantes pour le rôle de la spiritualité (versus la religiosité) dans les processus de santé, de coping, de rétablissement, etc., modifiant sensiblement la perception de cette dimension spirituelle et son « apport », pour le système de soins. Ces recherches dans le domaine du spirituel et du religieux en milieu de soins ne portent quasiment jamais sur les directions d’institutions alors que leur rôle est essentiel dans le management et pour le soutien et la pérennisation de tout projet et changements institutionnels. Cette recherche exploratoire et qualitative par entretiens semi-directifs auprès de 13 directions hospitalières (administratives, médicales, soignantes) a exploré ce que recouvre la notion d’appropriation de la spiritualité et/ou de la religion pour le contexte hospitalier bruxellois. Les résultats montrent que cette appropriation est moins une appropriation bio-médicale de la spiritualité telle que décrite par Jobin (qui consisterait à faire bénéficier la santé et les soins, d’une pratique et/ou considération de la spiritualité/religion), mais plutôt un souci d’accueil de nouvelles populations dans leur manière de vivre le soin à l’hôpital. Les responsabilités majeures que les directions hospitalières s’attribuent, se situent au niveau (1) d’une offre de soins « globaux » pour les patients (incluant la reconnaissance de leur autonomie y compris pour ce qui concerne leur spiritualité/religion), (2) d’une exigence d’un « vivre ensemble » pour le personnel hospitalier et (3) de la promotion des valeurs institutionnelles. Notre recherche mentionne d’autres thèmes moins significatifs. Les processus d’appropriation au sein des directions sont déclenchés principalement par : les changements dans la composition de la population, en particulier l’immigration et la proportion de personnes musulmanes; les exigences des nouvelles générations de professionnels (conditions de travail et épanouissement au travail); les fusions d’hôpitaux. Une relecture régulière de leur pratique sous le prisme de deux valeurs : le respect des personnes et la qualité des soins, dans le cadre d’une conception dite « globale » de l’être humain c’est-à-dire incluant la dimension spirituelle, augmente chez elles l’importance de la dimension spirituelle et/ou religieuse en milieu hospitalier. Elles se confèrent alors une responsabilité pour cette « matière », alors qu’elle n’est pas explicitement nommée dans leur cahier des charges ou attendue explicitement par la patientèle, le personnel ou leurs collègues. Des différences entre réseau d’institutions publiques et privées émergent particulièrement en ce qui concerne la manière d’envisager la neutralité en milieu de soins (neutralité inhibitrice ou émancipatrice). Malgré l’importance que les directions déclarent pour la spiritualité et/ou la religion dans leur hôpital, elles disent ne pas pouvoir y affecter de priorité ni de moyens pour l’aborder pro-activement.


Bibliographic reference |
Buchter, Serena. Quelle appropriation des directions d’institutions hospitalières en matière de spiritualité et/ou de religion ? Représentations, processus d’appropriation et conséquences dans le management : enquête qualitative et exploratoire. Faculté de santé publique, Université catholique de Louvain, 2018. Prom. : Aujoulat, Isabelle. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:15029 |