Écrire dans la bataille des idées : la littérature polémique d'Albert du Bois

Entre la fin de l’année 1902 et le milieu de l’année 1903, la publication d’une œuvre polémique défraie la chronique dans certains journaux et dans les milieux politiques et intellectuels belges : Albert du Bois, un écrivain originaire de la région de Nivelles, fait paraître presque simultanément, en Belgique et en France, trois textes destinés à diffuser les idées d’un courant politique irrédentiste dont il fonde au même moment la doctrine. Son souhait le plus cher est que les Wallons, qu’il considère selon ses critères comme des Français à part entière, voire l’entièreté des Belges, choisissent de se rapprocher politiquement, économiquement et culturellement de la France. Inspiré par ce qu’entreprennent au même moment dans d’autres pays d’Europe des littérateurs préoccupés, comme lui, par la question nationale, il se charge de convaincre ses compatriotes par la publication de trois œuvres de propagande, la brochure Le Catéchisme du Wallon, le roman “Belges” ou Français et la pièce de théâtre La Veille de Jemappes. Ce roman, cette pièce de théâtre ainsi que quatre recueils de poésie, publiés au cours de la décennie précédant la Première Guerre mondiale, sont les textes littéraires qui constituent le corpus primaire de ce travail de mémoire, qui ambitionne de tenter de comprendre l’émergence et de dégager les spécificités d’une littérature irrédentiste apparue en Belgique à l’aube du XXe siècle. Ces œuvres à thèse polémiques, où une pratique de l’écriture normative côtoie le développement de canons épiques classiques et modernes, se révèlent comme étant les espaces de démonstration des postulats exprimés dans les documents paratextuels que sont les préfaces et les essais qui les accompagnent. Mais comment est gérée, au sein de ces œuvres-programmes, la tension entre, d’une part, la démonstration de la thèse irrédentiste qui exige de la clarté et de l’ordre et, d’autre part, les genres littéraires du roman, de la poésie et du théâtre, qui exigent la présence d’éléments essentiels à la fiction en fonction de leurs poétiques propres ? Cette problématique constitue, entre autres, l’une des lignes de tension examinée dans ce travail de mémoire dédié à cet écrivain oublié, qui connut le succès à la Belle Époque et dont l’œuvre, pour ce qu’elle prétend incarner dans le contexte agité qui est le sien, est digne d’intérêt.