Heyse, Trystan
[UCL]
Jongen, François
[UCL]
A l’ère du numérique, l’oubli est devenu un véritable enjeu en ce début de XXIe siècle et est une question moderne susceptible d’affecter tous les individus. Tout au long de l’histoire, la mémoire sélective était un processus permettant aux hommes d’oublier les évènements non importants ou susceptibles d’entraver le déroulement paisible de leur vie. Afin de contrer ce processus de la mémoire, les êtres humains ont dû imaginer divers moyens pour s’opposer à l’oubli afin d’assurer, entretenir et conserver leur mémoire et les traces de leur passé. Pour le dire autrement, dans certains cas, l’oubli peut être un moyen efficace pour les individus désirant faire la paix avec certains événements de leur passé et surmonter des épreuves. A l’inverse, il existe des tentatives d’omissions contre lesquelles se dresse un devoir de mémoire par exemple pour éviter que des faits particulièrement ignobles ne tombent dans l’oubli. Cependant, aujourd’hui, l’oubli est en péril et on assiste à une inversion des rapports entre la mémoire et la force de l’oubli à la suite de l’avènement d’internet qui est non seulement un média de flux mais également un média de stock dont la capacité est illimitée : les informations s’y accumulent indéfiniment et sont susceptibles d’être accessibles à tous et à tout instant. C’est l’accès généralisé et universel à internet, en 1995, qui a engendré ce phénomène, à l’exception de certains pays dont les autorités en ont limité ou contrôlé l’accès par divers moyens techniques. Près de deux décennies plus tard, le volume de contenus numériques en ligne et des données personnelles concernant les individus est indescriptible et augmente de jour en jour. Le fait est que l’on peut aisément y accéder par l’intermédiaire des moteurs de recherche, les consulter et les diffuser à travers des médias sociaux, ou les télécharger sur divers appareils technologiques actuels tels que les tablettes, les smartphones et ordinateurs portables. Cette capacité de l’outil informatique n’est pas sans susciter des préoccupations quant au respect du droit à la vie privée car il peut garder en mémoire nos moindres faits et gestes, les tracer et les analyser, que ce soit ou non à notre insu. En conséquence, la mémoire numérique semble ne plus offrir cette capacité d’oubli permise par la mémoire humaine. Une simple recherche à partir d’un nom et d’un prénom permet d’établir un profil numérique d’une personne à partir des éléments disponibles publiquement sur les pages internet, les journaux, les réseaux sociaux, les archives journalistiques des éditeurs de site internet. Malheureusement, ces traces numériques éparpillées sur la toile peuvent influencer nos parcours professionnels et privés et il existe des situations où les individus ne veulent plus être importuné par le rappel de leur histoire personnelle, d’autant plus lorsqu’elle est lourde à porter et qu’elle peut influencer une éventuelle réinsertion sociale. En effet, à la différence de l’information papier qui peut s’archiver et termine par disparaître des mémoires, l’information qui serait, elle, archivée sur internet, peut ressurgir des années plus tard par une simple recherche alors qu’elle aurait dû être oubliée depuis longtemps. Par conséquent, l’individu ne peut plus tourner définitivement la page puisque ce qu’il a dit ou fait, à un moment donné de sa vie, peut se retourner contre lui à tout moment et causer de nouveaux préjudices. Tout ceci n’est donc pas qu’une simple question théorique. Le droit à l’oubli dans le contexte numérique renvoie à une question importante : comment maîtriser le flux des informations personnelles à l’heure du numérique ? Il existe différentes réponses réglementaires internationales et nationales. Cependant, elles connaissent des difficultés d’application car la technologie est en constante évolution et internet est mondialisé. Par conséquent, les obstacles juridiques et techniques restent nombreux. Or, c’est l’effectivité du droit qui permettra de maîtriser le contenu de l’information.


Bibliographic reference |
Heyse, Trystan. Le droit à l'oubli à l'ère du numérique : la consécration récente d'un droit au déréférencement et à l'effacement susceptible d'inverser les rapports de force entre le devoir de mémoire et l'oubli. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2018. Prom. : Jongen, François. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:13278 |