Approcher la flexibilité au concret: A quelles tensions paradoxales le recours à l'intérim donne-t-il lieu et comment l'entreprise et les individus y répondent-ils?

Face à une ère de flexibilisation des marchés, les entreprises recourent de plus en plus à des formes particulières d’emploi, et ce, pour faire face à l’urgence et l’incertitude. Pourtant, les entreprises dites « flexibles » sont confrontées à des dilemmes, des paradoxes et des contradictions. Alors que le phénomène de flexibilité donne lieu à de nombreux leviers de gestion des ressources humaines, l’intérim fait figure d’instrument par excellence. Or, à l’instar de la flexibilité, l’intérim s’inscrit dans une dynamique complexe et paradoxale. Par conséquent, le recours à l’intérim, dans ce contexte, soulève des enjeux importants au sein de l’entreprise utilisatrice, et ce, à différents niveaux. Ce mémoire propose ainsi d’observer, au concret, les enjeux du phénomène de flexibilité au travers de l’étude du cas du recours à l’intérim. En mobilisant la théorie des paradoxes comme cadre d’analyse, ce sont les tensions paradoxales que l’intérim soulève, ainsi que les réponses apportées, qui ont été observées. Cette étude de cas s’est déroulée au sein d’une entreprise du secteur agro-alimentaire. Une approche qualitative a été utilisée et des membres de la direction, des intérimaires et des représentants du personnel ont ainsi été interrogés, permettant une analyse par niveau ; organisationnel, collectif et individuel. Des tensions émanant du recours à l’intérim ainsi que des tentatives de réponses à ces tensions ont été observées dans cette étude, et ce, à ces différents niveaux. Alors qu’au niveau organisationnel, les injonctions paradoxales semblent être acceptées et discutées, témoignant de la présence d’un espace public de délibération, au niveau individuel et, dans une moindre mesure, collectif, cet espace semble ne pas exister. Les individus introjecteraient par conséquent ces tensions, les laissant seuls responsables de la résolution de celles-ci et entrainant des conséquences néfastes sur leur psyché et l’organisation. Plus globalement, cette étude questionne l’encadrement de la flexibilité dans notre société, au sein de laquelle les intérimaires peinent à trouver leur place, et espère ainsi ouvrir de nouvelles pistes de réflexion pour une flexibilité plus éthique, prenant en considération l’individu et son expérience.