Vandemeulebroek, Margot
[UCL]
Bragard, Philippe
[UCL]
Les lieux d’hébergement réservés aux patients souffrant de troubles psychiatriques témoignent de la place et du statut qui leur ont été réservés au cours des siècles. L’objectif de cette étude est de saisir les grandes transformations urbanistiques et planimétriques des établissements de la santé mentale en lien avec les traitements thérapeutiques, ainsi que les spécificités du patrimoine asilaire belge. Avant le XIXe siècle, l’aliénisme ne relève pas de la sphère médicale : il est directement lié à l’oisiveté et au dérèglement moral. Il s’agit avant tout d’extraire les individus considérés comme improductifs de la société. Les familles plus fortunées placent leurs membres considérés comme gênants dans des maisons de fous, appelées aussi simpelhuysen ou dolhuysen, situées à l’intérieur de la ville. Au tournant du XIXe siècle, l’espace psychiatrique développe sa propre identité. D’un point de vue typologique, on passe d’une architecture de l’enfermement à une architecture qui soigne. Pendant près de deux cents ans, architectes et médecins ont collaboré pour mettre au point des modèles d’architecture adaptés au mieux aux patients et aux thérapies disponibles. Les établissements psychiatriques sont des ensembles massifs, éloignés du centre-ville et construits essentiellement sur le modèle pavillonnaire. La classification des aliénés, tablée sur la nature de la folie et le statut social de l’interné, va progressivement s’imposer dans l’architecture asilaire. Chaque quartier est une unité architecturale et thérapeutique au sein d’un complexe plus large. Tout au long du XIXe siècle les aliénistes voyagent à travers toute l’Europe, diffusant leurs programmes thérapeutiques et visitant une multitude de complexes asilaires en vue de développer une architecture optimale. En France, c’est le système du carré-isolé pensé par Etienne Esquirol qui va se diffuser. En Angleterre et aux Etats-Unis, les aliénistes John Conolly et Thomas Kirkbride privilégient davantage des structures linéaires ou corridor-system. En Belgique l’implication des congrégations religieuses va considérablement influencer l’architecture et l’organisation de l’espace psychiatrique. Construit sur le principe des monastères, l’ensemble où évoluent les patients s’apparente à une microsociété où la chapelle occupe une place centrale et régit l’ensemble du domaine et le rythme de vie des occupants. L’une des congrégations les plus actives dans domaine psychiatrique est celle des Frères et Sœurs de la Charité qui est à l’origine de nombreuses fondations dont les asiles wallons de Saint-Martin et du Beau Vallon. Ces derniers témoignent de la métamorphose de l’espace psychiatrique au début du XXe siècle sous l’influence des théories internationales. Alors que dans les cas des asiles des Frères et Sœurs de la Charité, l’organisation spatiale et l’architecture témoignent d’une perception religieuse de la médecine mentale, la colonie wallonne de Lierneux atteste davantage d’une vision scientifique et moderne de la psychiatrie. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, soit deux siècles après la migration de la maladie mentale et du dérèglement moral des centres urbains, l’espace psychiatrique connait un nouvel exode rural et réintègre les villes afin d’enrayer l’isolement des patients. L’architecture n’a plus pour vocation de soigner ou d’imposer un cadre de vie aux patients mais d’encourager les liens entre le patient et la société.


Bibliographic reference |
Vandemeulebroek, Margot. L'architecture de l'espace psychiatrique: une analyse d'infrastractures belges du XVIe siècle à nos jours. Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, 2017. Prom. : Bragard, Philippe. |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:11412 |