De victime passive à sujet-acteur : vers un humanitaire durable et inclusif ? Portée et limites de la participation des populations affectées en action humanitaire

L’action humanitaire a connu un essor important suite à la guerre froide avec la multiplication des interventions dans un contexte de complexification et de pérennisation des conflits. Cet essor s’accompagne de l’émergence d’un discours critique soulevant les limites du système humanitaire occidental moderne. Les crises questionnent en effet l’efficacité et la pertinence des programmes, l’adéquation de la réponse aux besoins ainsi que le rapport aux dits « bénéficiaires ». Ces derniers restent encore largement perçus comme des corps biologiques à sauver. Dès lors, le bilan des expériences mené dans les années nonante aboutit à la volonté de repenser l’humanitaire sur de nouveaux paradigmes. C’est dans cette intention que s’inscrit l’institutionnalisation de la participation des populations affectées. Face au constat d’une action humanitaire qui, en mettant jusqu’alors principalement l’emphase sur l’urgence dans une réponse standardisée, tend vers un certain matérialisme, la participation concoure, d’une certaine manière, à la réhumaniser. Cependant, force est de constater l’écart existant entre le discours et la pratique. Dès lors, il est nécessaire de dépasser la rhétorique portée par les pratiquants et défenseurs de la participation pour s’intéresser à ses implications pratiques et politiques. Le paradigme participatif en action humanitaire semble marqué par une naïveté du fait de la présence d’un biais culturaliste et populiste ainsi que d’une évacuation de la complexité et du politique ; une naïveté pouvant avoir pour conséquence de mener à des résultats contraires à ce que la participation prétend. La participation, qui n’apparaît pas comme un modèle assez réflexif et poussé de décentrement par rapport à un modèle « occidentalo-centré » de l’aide, constitue ainsi un réel défi pour le secteur humanitaire.